Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mercredi 23 décembre 2009

Vanités…, IV


(En hommage à G. Bachelard, et à tant d'autres)

La flamme avait dansé toute la soirée.

Elle avait condensé autour d'elle la lourde nappe damassée, blanche, empesée, qu'on avait repassée à même la table pour assurer au tissu un tombé parfait, sur les angles aigus, sur les bords parfaitement droits. On avait vérifié l'alignement des couverts d'argent aux bords des assiettes si fines qu'elles auraient dû en devenir transparentes. Les verres s'alignaient devant chaque convive comme les tuyaux d'un orgue appelé à n'être silencieux que dans le désert de la grande salle à manger. Les liquides mystérieux en eux monteraient, descendraient, et les rires s'animeraient. Et la vie coulerait.

La flamme avait tremblé toute la soirée.

Elle avait été le point de convergence, tout en haut du chandelier d'argent, des souffles, des rires, des voix entrecroisées, qui pendant des heures avaient joué un air de gaieté folle sur la fuite du temps. Surplomb lumineux et légèrement tremblant. On avait bien eu l'impression parfois, que l'air était un peu surjoué, que n'étaient pas tout à fait éliminées des tons, des accents, une petite rancœur, une légère tension ; là une vibration les trahissait, ici, la stridence d'un rire vibrait désagréablement à l'oreille, et parfois le tremblement des mains renversait quelques gouttes de vin qu'un serviette de lin absorbait aussi vite.

Parfois les couverts heurtaient désagréablement les assiettes, et, gênés de cette stridence incongrue, les convives riaient un peu plus fort, les conversations reprenaient un peu trop vite, et les rires se déployaient de nouveau, emplissant l'espace de la salle, désespérant d'en pouvoir atteindre les recoins les plus sombres.

Défilés des plats, des vins, des extases. Elle avait fondu. Coulé le long du chandelier autrefois prêt pour l'apparat. Voilà que la parade se terminait en débandade. Les serviettes froissées gisaient sur les places vides. Les convives avaient déserté. Les nourritures il y a peu exquises commençaient déjà leur lente corruption dans les assiettes souillées. Elle s'était déformée, verticalité languissante, et de longues coulées irrégulières enlaçaient maintenant la tige du chandelier.

Quand un souffle l'éteignit, il monta une odeur de cendres dans la verticalité perdue.




1 commentaire:

  1. fête et cendre, parade et débandade, c'est une vie humaine, faut-il être triste? m'a semblé que la flamme n'appréciait peut-être pas cette gaité forcée, ces comédiens de la festivité qui avaient le toupet de lui souffler dessus ( lequel ou laquelle?) in fine! si la fête en était une, peut-être l'odeur de cendre serait douce. C'est une belle nouvelle!

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