Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 20 juin 2010

Carnet Tokyoïte, liasse 20 (néant)

Transversale. La course fut traversée de chausse-trappe. La salle de l'aéroport aspira mes pas et mon souffle et l'avion emporta le reste de moi sans que je puisse reprendre haleine, et après cela, tout le reste se ponctua de blessures, les unes après les autres, je n'échappais à aucune. Cela n'avait aucune importance, j'étais seule à les voir. Les premières impressions furent, parmi les grappes de voyageurs agglutinés devant le comptoir, certains hésitants, d'autre impassibles, les uns de retour, d'autres en suspens avant un monde qu'ils ignoraient encore, plus pour longtemps, nous tous suspendus à la voix mécaniquement calme et mélodieuse qui nous dirait quoi faire, qui nous ferait entrer comme des gouttes d'un poison rare dans une fiole avant de la jeter par dessus mer, dans l'espace, les plaines immenses... et nous irions nous casser sur le sol lisse de l'aéroport.

Après, cela commença. Il n'y avait eu là qu'un avant-goût. Il y eut tout le reste, toute la fatigue harassante, toutes les incompréhensions, tous les dédales, toutes les ornières dans lesquelles le ciel ses reflétait mais où il ne descendrait jamais. Je tendrai la main et mes doigts ne se resserreraient que sur eux-mêmes. Néant. Je tendis autant qu'il m'était possible les forces de ma volonté. En vain.

Les vêtements se froissèrent. Appui du corps et de la pesanteur de l'attente. Les mouvements rendus impossibles. Les plis se marquèrent. Les visages se creusaient et les quelques espoirs d'espace furent écrasés par la masse impassible d'autres corps immobiles à la présence desquels il n'était pas possible de se soustraire.

Coupure du monde ancien par le silence et l'arrachement.

Je cherchais la légèreté et souvent ne trouvai que l'isolement le plus sec. Coupure des regards secs que nous échangions. Les orateurs se toisaient. S'infligeaient de savantes blessures d'amour propre, et les rires fusaient parfois, vite arrêtés par des regards courroucés. Les angles vifs des tours cassaient la perspective. Il n'y en eut pas sous la brume. Tout semblait suspendu dans le ballet complexe des courtisans. Mais le fiel se répandait suavement.

Ce fut un long péril. Les papiers s'imbibèrent d eau et se délitèrent sous les doigts. Tout était parvenu à son terme. Les objets entassés furent emportés à la va vite. Il fallait espérer les souvenirs et les enlisements dans la mémoire, le miroir se couvrait de buée. Je ne verrai plus rien. Soudain la main manucurée de l'hôtesse abaissa le volet. Et je ne vis plus rien du ciel tokyoïte.

Après quoi je basculerai dans le vide de l'oubli.

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