Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 17 décembre 2010

Manuel anti-onirique, XXVII



Voilà qu'à présent, ils sont délicieusement silencieux.

Quelque chose comme une respiration. L'un à côté de l'autre, ils regardent la pièce immense et décorée, ils passent leurs regards sur les reflets de la fête dans les miroirs, le verre des fenêtres que la nuit a rendu aveugles. C'est incroyable qu'ils soient aussi parfaitement seuls et tranquilles. Il regarde un peu au dessus d'elle et elle est englobée dans son regard. Il n'est pas nécessaire qu'ils se parlent pour que leurs mouvements s'accordent et se déplient en regard l'un de l'autre, sans même qu'ils se regardent. Elle laisse son regard errer dans un vague qui lui convient mieux que tout. Les effluves de la fête, sa pulsation, tout cela leur parvient encore, mais ils ont recréé autour d'eux une pulsation beaucoup plus intime, et si puissante, qu'il n'est plus nécessaire qu'ils se parlent.

Personne ne les observerait assez longtemps pour remarquer cette articulation infime de leurs gestes, et alors comment expliquer que personne n'ose les approcher, personne n'ose leur parler, qu'on les salue seulement de loin, sinon qu'il doit bien filtrer quelque chose d'eux auquel personne ne trempera ses lèvres, qu'il doit bien infuser une part d'accord telle qu'aucun autre convive ne tente de s'interposer entre elle et lui, ils ne laissent aucun espace, même si, à aucun moment, ils ne se touchent.



Il est possible qu'il ait frôlé sa main quand il lui a servi du Champagne. À présent, elle dit des choses minuscules, qu'elle aimerait bien dire "Vin de Champagne", comme au XVIII ème siècle, mais que c'est trop précieux, il sourit à autre chose que le sens de ses paroles, il n'abandonnera pas un instant sa très légère raideur anglaise, qui s'exprime si particulièrement dans la manière qu'il a de ne pas prendre garde au verre de vin qu'il tient dans sa main, et qu'il boit sans avoir l'air d'y penser.  Il sourit à autre chose, un peu au-delà de ce qu'elle dit. Elle se glisse dans ce lieu qu'elle sait fragile, et dont bientôt il lui faudra sortir pour replonger dans le brouhaha du monde, distribuer des compliments absurdes et des sourires de façade.

Pour l'instant, il la retient dans ce lieu et elle se laisse retenir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire