(En hommage à Arthur Rimbaud)
Par pitié ! N'y voyez rien d'anecdotique ! L'anecdotique n'est-il pas ce qui nous dévore, nous ronge de l'intérieur, nous happe dans l'obsolescence et le caduc ? Il nous entraînera dans sa chute.
Elle serait bien tentée de ne pas le voir. Lui viennent toujours les mêmes fascinations silencieuses pour l'infime. Elle est capable, comme dans un autrefois lointain, de s'absorber toute entière dans une joie immense et tacite. La plupart du temps pour ce qui vous paraîtrait l'insignifiance même — et nous ne pourrions pas nous comprendre. Je ne vous en dirai donc rien.
Pourquoi diable cherchez-vous (à tout prix) l'anecdotique ? Ne sentez-vous pas la vigueur de son emprise ? Il vous enserre, et vous ne cherchez pas même à vous débattre contre lui. C'est à n'y rien comprendre. Vous vous délectez de ces détails qu'on vous sert (non sans servilité), qui alimentent un silence que vous masquez sous les oripeaux d'une conversation, au dessus de deux tasses de café, dans un endroit bruyant et hostile. Du moins est-ce ainsi que vous appelez cette conjuration addictive du grand silence qui nous habite. Vous payez deux euros et des poussières pour secouer de vous cette chape insupportable.
"- Elle a vieilli. - Elle a grossi. -Elle s'est ridée. Je ne l'aurais pas reconnue. - Elle n'avait rien vraiment rien à dire, si tu avais été là… - Elle a maigri, ça ne lui va pas". Et je préfère ne pas entendre vos rires.
Qu'importe ? Elle rêve encore d'un crépuscule, d'un enfant, d'une flaque d'eau, de ces jeux dont il lui parlait, autrefois (ils ne se sont pas connus), d'un bateau minuscule construit d'une coque de noix ; la main de sa mère l'avait aidée, le lui avait tendu, après une attente qui lui avait paru interminable. À un siècle de distance, tous deux l'ont lâché sur l'eau boueuse de la même flaque. Puis il rêva et elle aussi rêva, apprenant par cœur son rêve, se le redisant sans relâche au plus profond de la nuit.
Il y a quelque chose d'intact. Même si un jour ses os se brisent.
Très beau. Rien à dire, sauf à retomber dans "la conjuration addictive du grand silence", un fond de "Revolution Blues" de Neil Young a-t-il contribué à me rendre sensible à un rythme ici plus syncopé, qui me plaît? Une réminiscence d'une petite pièce de Mrozek qui met en scène une panne d'électricité. La musique s'arrête et l'unique réplique en est: "J'ai peur".
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