Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 6 janvier 2011

Vase Communicant, avec Xavier Fisselier, Dream about your life & live your dream, vvvvvvvvhttp://xavierfisselier.wordpress.com/




Le soir même, ma décision était prise.
Je nʼavais besoin de presque rien. Rien de superflu, un livre, une photo jaunie, quelques effets personnels seulement de quoi mʼaventurer 72 heures dans une autre vie... tout cela fourré dans mon sac de toile, ma vieille besace fidèle qui mʼaccompagne dans tous mespériples. Ses mots étaient en moi. Ils sʼaffichaient, un à un, à chaque instant laissant sur leur passage lʼeffluve de ce parfum inoubliable. Je devais voir. La porte fermée à double tour, la clé dissimulée sous le paillasson, je descendais les grinçants escaliers de lʼimmeuble, quatre à quatre, le coeur léger, lʼesprit libre. Jʼaimais ces décisions prises sur le vif. Pas de réflexion, aucune analyse. La vie. Sentir son sang qui bouillonne délicieusement. Se laisser porter par lʼivresse de lʼinfime folie, celle qui nʼenferme nulle part, celle qui explose et fait poindre le sourire.
Arrivée dans la rue, la nuit habillait déjà dʼun drap gris les façades de pierre, le vent était froid et mon écharpe se plaquait sur la laine de mon long manteau noir. Je ne distinguais personne, à peine des ombres déambulant, la tête baissée, les yeux rivés sur le mouvement de leurs pieds choquant le sol du trottoir. Aucun regard croisé, jʼaimais cela. Ce sourire ne me quittait plus, personne ne serait parvenu à mʼarracher une larme, si ce nʼest ce froid piquant qui essayait de rendre la vie plus nostalgique. Je nʼétais quʼà quelques encablures de la gare et je décidais de faire le trajet à pied. Ne dépendre de personne. Pas de taxi, ni métro, ni bus. Fouler les pavés dʼun pas leste, se frotter les mains pour les réchauffer, laisser la buée sʼéchapper de ma bouche au rythme de mon allure rapide. La gare était bondée, les mouvements de foule mʼétourdissaient un peu.Les longues files dʼattente devant les guichets, peuplées de corps piétinant sur place, à la recherche dʼun peu de chaleur. Quelques formes humaines assises par terre, le dos posé sur le mur. Je mʼarrête devant un homme, sans âge, il me fixe de son regard en me tendant la main. Son visage est beau, son regard sans fond, dʼun bleu transparent. Je mʼarrête, face à lui, me penche, un genou au sol. Je lui prends la main, je ne sais pas pourquoi. Jʼen ai seulement envie et nʼenvisage aucun autre mouvement possible. Jʼai confiance en lui. Je cherche avec mon autre main dans la poche de mon manteau quelques pièces de monnaie que je lui glisse dʼune caresse dans son épaisse main rugueuse. “Merci Mademoiselle, beau voyage”. Nous nous regardons quelques instants, je lui souris, il me sourit. Jʼarrive à lui lancer un “Adieu”, me relève et me précipite rejoindre le quai. Je regarde le panneau dʼaffichage. Voie 9. Je sais que dans quelques minutes je serais partie. Lui sera sans doute encore assis là-bas, dans les courants dʼair à deviner passer des paires de pantalons, de toutes tailles, de toutes formes. Le train est là. Statique et grandiose. Je remonte le long des wagons, couleur bleu nuit, jusquʼà la porte du numéro 12. Je saute sur les marches, enfile le couloir pour atteindre la porte de mon compartiment. Jʼentre. Il nʼy a personne encore. Il nʼy aura peut-être personne. Je jette mon sac sur la banquette, et m'y installe à mon tour. Je suis heureuse. Je ne comprends rien, je ne cherche pas à savoir ce que je je fais là. Le train démarre, lentement, le quai sʼéloigne, je pars. Je suis partie.
Je resterai là, dans ce train, jusquʼà son arrivée en gare de Lisbonne.
Le soir même, ma décision était prise.
Je gravirai enfin la Rue des Douradores.

1 commentaire:

  1. Belle idée que ce chemin, ce départ, pour aller à la rencontre de Pessoa. J'aime beaucoup le début, cette simplicité.

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