Déjà vus
les voitures alignées immobiles le long du quai, elles attendent le départ, la pluie ruisselle sur les vitres, les grappes de voyageurs se détachent du quai le long des voitures, les adieux, les embrassades, les petits groupes soudés encore pour quelques minutes, et celui qui courra dans dix-neuf minutes et remontera tout cela, vide, hors d'haleine et qui sait ?
Déjà usé
l'espoir minimal et qui parfois suffit puisqu'on marche seul vers la tête du train, d'avoir au moins deux places pour y déposer tout, le cartable, la bouteille d'eau, le journal, le portable, tout ce qui ne servira à rien peut-être — mais qui accompagne cette plongée dans l'extériorité, de 6h04 jusqu'à 22h41, fidèlement si on oublie les épuisements des batteries. Espoir désespérant sous cette forme vide. Usé jusqu'à la trame. Il vaudrait mieux ne rien…
Déjà entendues
les annonces, les invitations, les voix, les promesses, entendus mille fois, les cliquetis des portables, claviers d'ordinateur, clavier de téléphone, et la musique qui sort des casques, ad nauseam, tellement qu'on va tout de suite vers la voie D alors qu'on a vingt-deux minutes d'absence (comprenne qui pourra) et qu'on prendra le train qui s'y trouvera sans même en vérifier la destination,
Connues,
les impressions à venir durant les trois heures dix-huit minutes à venir… toutes connues, toutes éprouvées, les balancements, les vibrations, les vrombissements, le sommeil qui va et ne vient pas, l'ennui de l'esprit qui ne s'accroche pas à ce livre, à cet autre non plus, la main qui laisse glisser les billets de train, au lieu de les tendre au contrôleur qui interrompt les rêveries vagues diffuses floues … et qui tombent dans le vide…
La seule hypothèse est dans le regard … et tout remettre à neuf.
En réponse à SabineWe qui a dit
RépondreSupprimerOui, problème posé.
Il va falloir dépoussiérer les sensations déjà tant vécues, éculées...
Vais sagement patienter vers un dénouement, imaginer ton renouvellement du regard.
Demain le voyage sera neuf, différent...
La citation de Proust que tu as donné à lire est une incitation, en effet, à changer le regard. Je cherche, et la prends autant comme une affirmation que comme une invitation…