Éclats de jour la nuit
L'automne
l'été y revient d'un ressac brusque
un rêve
comme ciels clairs
lumière et chaleur
douces parmi le jour
aux petites feuilles déjà jaunies
sont alors images qui se lèvent
soudaines sautes de vent qu'on croyait abolies
mais non
il y a dans ces jours déjà l'essentiel.
On voit
la silhouette d'un homme
taille médiocre jeune encore
il marche
et titube fatigue
dans la solitude sèche et immense
des dunes
il marche
la mélancolie pour seule compagne
il marche
un petit boitier au côté
s'arrête
le porte à son oeil
photographie
on ne saurait dire
on ne sait quoi
le sait-il lui-même?
il marche.
Il n'y a rien ici
du désirable factice
-lieu âpre et rude et doux-
rien
si ce n'est
un jour qui finit
rien que le bruit
ample
immense
régulier
le souffle large
le flot Océan qui bat
sa mesure haute
des lampes clignent au loin
palpitent dans l'odeur des algues
de la mer proche
un rai de Cordouan
marbre régulier rythme la brume légère
rythmes aussi
dessus de petits coquillages
de petits cailloux
de petites herbes sèches
qui respirent
les vagues longues ou courtes
le soir
les chardons
bruissent
quand s'écoulent les sables
secs
en petits monticules
impondérables.
Encore cette ombre
encore cet arbre
mort
encore un reflet
mi-terre mi-eau
écriture du vent
qu'on ne saurait déchiffrer
qu'en une langue perdue
le dernier soir seul étend son empire.
Plus tard
plus pâle
plus maigre
ce sont mois écoulés
comme monceaux
croulent
la même silhouette
penchée
oublie son latin
dans l'ombre rouge du laboratoire
improvisé
s'imposent
d'autres gestes
les odeurs
acides
acétiques
les bains
révélateurs et fixateurs
périmés
d'où les voiles gris
dans la naissance neuve
de ce qui fut
qu'on n'avait pas bien vu
et laissé reposer
au noir
en petits formats
et tout cela
pêle-mêle
sèche
au vent du printemps indifférent.
Sous verre
poussières
gris terne des chambres
des appartements
au gré des
errances
ici
là
toujours plus loin
dans un peu de temps
un fil
de vie
peu d'objets
pour suivre.
Dans le dernier lieu
un homme un peu voûté
sous la lampe
la pénombre tout autour
range des livres
retrouve
sous verre encore
un regard
qui n'attendait
que lui
le temps arrêté
passé présent
la vieille magie
opère
charme
aussi fluide
aussi belle
aussi claire
et c'est pénombre tout autour
la nuit cède
un trait de sable
rien qu'un trait de sable
dans l'estuaire
une forme
insaisissable
inespérée
esquisse un pas de danse
la musique est là
dans le geste
la joie native
les courants de vie
inexplicables
retrouvés
quand
fluent et refluent
les vents et les vagues
les bancs de sables
doux aux pas
aux pieds nus
et les vies anonymes
croisées là
dans un regard
La plume note
comme bruissent voix d'enfants
derrière une porte close
les rires menus retenus
ils ne trouvent pas le sommeil
l'éclat des jours bruit clair pour eux
le monde est de nuit.
Jean-Yves Fick
magnifique ce texte tout en finesse, il va très bien avec ton blog, on y retrouve cette finesse d'observation et cette dentelle de mot
RépondreSupprimerlambert
oui, l'expression est bien trouvée pour qualifier cette délicatesse, à la fois présente dans ce poème et dans tes textes à toi : "dentelle de mot"
RépondreSupprimerj'aime bien la dentelle :)
Un lien vers la galerie de photos de Juniverses : ce n'est pas un hasard si je les aime ! http://www.flickr.com/photos/juniverses/
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