Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 21 janvier 2010

Vanités…, IX


Vous souhaiterez n'avoir pas remarqué, au bout de ses manches, autour de ses poignets, la trame élimée de la laine. Comment la répétition des mouvements n'aurait-elle pas arraché quelques fils ? Et peu à peu l'usure incessante, insidieuse est remontée le long de ses bras, jusqu'à accuser les traits, les mouvements. Aurait-il pu en être autrement ? Toujours est-il qu'il faut vous garder de fixer là un regard impudent.

Il est possible que la fatigue ait engourdi jusqu'à son épaule, qu'elle ait pratiqué de petites entailles un peu plus haut, qu'elle se soit incisée dans les chairs, et qu'elle provoque de lancinantes douleurs, il est donc probable que les gestes autrefois emportés dans le vertige et l'ivresse, s'arrêtent à présent à mi-course. Et retombent. Inachevés.

Lui ne vous en parlera pas. Je vous déconseille de l'aider quand il se lèvera pour prendre son manteau. Même si sa main hésite, elle dont les veines bleutées dessinent un entrelacs visible et saillant, même si la course qu'elle dessine pour rejoindre son objet à l'évidence est hésitante et complexe, je vous en conjure ! n'avancez pas une main assurée et ferme, ne vous saisissez pas de ce qui est sien. Ne vous approchez pas de son aura.

Au nom de son ancienne splendeur, il vaudrait mieux, à cet instant précis, ne pas lever les yeux. Il est possible (je vous parle en ami, vous comprenez ?) qu'au moment où vous vous y attendez le moins, il se lève, et reparte seul dans la nuit, avec une soudaineté brusque au regard de ce qu'il vous restait à vous dire, qu'il insiste pour que vous ne le raccompagniez pas, oui, au moment même où cela allait devenir possible (dire qu'un instant auparavant vous pensiez avoir touché bon port et apaiser vos questions). Vous seriez prêt à traverser la nuit à ses côtés. Il allait devenir possible de faire voler en éclats tous les silences, comme volerait en éclats un lustre de cristal immense qui s'écrase sur le sol et envoie jusques à vos pieds ses myriades d'éclats de lumières coupantes !

Ne le retenez pas. Il n'y aura qu'une chose à faire… vous glisser dans un lit de silence.


2 commentaires:

  1. Difficile d'enter en communion ou même espérer des paroles de quelqu'un qui a perdu l'éclat de ses pensées. Non pas que celles-ci soient plus dénués d'intérêt qu'auparavant mais, voilà, le temps assassin aura fait mauvaise œuvre jusqu'à enfouir les mots au plus profond de son âme. Et de l'élimé, il faudra se contenter.

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  2. permets qu'aujourd'hui particuliérement je conteste cette vanité. Un autre jour, je ne dis pas. Mais encore en hommage, ou en enfantillage, toutefois. D'abord la trame élimée de la laine. L'effet de ce limage est douteux sur ce tissu là, un pluchage à la rigueur.Je viens de regarder attentivement mon poignet, enfin ce qui le couvre, et je ne vois qu'un détricotage fâcheux sur deux centimètres, quatre bouclettes vides, orphelines -de la trame? ça je ne garantis pas-, vides, extravagantes. Ensuite si ce lit de silence me plaît stylistiquement, l'image convient cette fois, j'y pose, pour m'y coucher la condition d'odeurs légères et de lin frais. Ainsi, par anti-vanité, j'y oublierai le flacon de ce vieux gilet noir. Enfin, même ainsi il est doux à porter.

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