Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mercredi 21 juillet 2010

Cahiers d'un autre été, XIV (négation)

Les matins gris sont des négations. Sans que nous leur jetions un regard autre que distant et las, alors que tout est parfaitement immobile, nous nous laissons sans nous défendre envelopper de leur calme comme d'une étoffe un peu fraîche. Ils nous aspirent et nous emmènent dans une autre temporalité du jour. Certains matins sont des négations appposées devant la parenthèse de la journée.

Brisure des lignes et des rythmes.

Nous ne sentirons pas sur nos épaules la morsure du soleil. Nous ne laisserons pas nos ombres s'approcher de nous à la verticale de midi, ni s'éloigner indéfiniment dans le soir qui retombe, nous ne chercherons pas l'obscurité au beau milieu incendiaire de la course du jour, nous ne ploierons pas sous la force intense du soleil. Nous laisserons se faire toutes les appositions des négations, sans pouvoir rien y changer.

Au lieu de quoi une douceur rêveuse et nimbée nous enlace dans le commencement des heures. Il suffit de ne pas bouger, de ne pas commencer la journée et de laisser passer les minutes, de ne pas les laisser tomber de nous, ni s'écraser sur le sol ; elles se briseraient en éclats assourdissants, et risqueraient ensuite, quand nous passons pieds nus, de se planter dans nos pas, d'inciser la chair du talon, et de percer notre marche d'une douleur aiguë. Quelques gouttes de sang que laisserait notre marche nous en avertiraient.

Les questions plânent sans réponse, et se déploient dans l'air immobile.

Il devient impossible de démêler, dans la brume de ce jour qui ne commence pas, si les parenthèses s'ouvrent au soir, sur le monde irréel de nos rêves, et se referment le lendemain, dans le départ au marché, dans les courses et le ravitaillement, et les échanges commerciaux, et la consommation, et le déferlement du monde, pour de nouveau connaitre une suspension dans l'oubli de la nuit, et son éloignement de tous les aléas salissants que nous aurons affronter, ou si les journées sont des parenthèses dans les rêves profonds où le moi se déploie, entre dans des mouvements vastes, suit des courants immenses et profonds dans lesquels des algues vertes et pleines de langueur s'enroulent autour de lui et l'entrainent toujours un peu plus bas, un peu plus profondément, en deçà des possibles.

Le sommeil se dissipe dans l'odeur brûlante du café.

2 commentaires:

  1. lectrice assidue, et incapable de commenter - toujours et spécialement en ces moments de fatigue, mais vouait dire, pour l'importance que ça a :j'aime

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  2. Importance radicale, essentielle. Toute la différence est là, le long de cette ligne. Merci.

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