Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 7 août 2010

Cahiers d'un autre été, XXI (nocturne)

Une fois encore, les mêmes pensées reviennent. D'un été à l'autre, je ne parviens pas à dire si elles se modifient. Je n'en suis pas très sûre. Il est possible que ce soient toujours les mêmes qui, cette nuit-là, à intervalles réguliers, traversent mon esprit, exactement comme les étoiles filantes traversent le ciel. Un trait lumineux, c'est tout ce dont on se souvient, rien de plus. Un simple trait, dans n'importe quelle direction, apparu au hasard, imprévisible, et disparu comme tel dans un méandre du ciel. Il suffit d'attendre, de ne pas trop bouger. De ne pas trop cligner des yeux. Ouvrir largement les yeux comme sur un monde vide et laisser l'attention se diffuser le plus vaguement possible.

Il faudra penser à s'assurer de la présence du vide dans ce monde.

Si je ne cherche pas à les retenir, alors elles apparaissent, un instant retiennent mon attention, puis glissent ailleurs, dans le néant et finalement retombent dans le silence. Je me demande où vont les idées qu'on ne retient pas, les courriers électroniques qui n'arrivent pas à leur destinataire, les paroles que personne n'entend, les larmes qui tombent à terre et disparaissent sans consolation. Je me demande où se dissipent les pensées oubliées, celles qu'on ne garde pas en mémoire et qui glissent hors de nous, hors de nos pupilles fixes, tous ces souvenirs de mondes qui basculent ailleurs.

Je suis adossée à la voiture. Elle est encore chaude de la montée, des lacets de la route, et du soleil aussi, écrasant, et des virages, des épingles, de la pente, inclinaison de la montagne, ses flancs, l'adret au soleil couchant, et dans les brumes déjà bleutées, l'ubac qui se perd dans un songe, et la route vire encore une fois, le vide, le précipice, et finalement la paroi, toute proche, si proche que les fougères heurtent les portières et qu'il faut presque verser dans le fossé pour croiser un autre véhicule.

Je me souviens qu'autrefois arriver au sommet tenait du miracle, dans la poussière et la chaleur écrasantes de l'été. Ce soir, je suis montée seule le long des flancs bleutés. Les jardins en terrasse s'estompent, dont on voit à peine les griffures sur les versants, dont on distingue de moins en moins les délimitations d'autrefois, et tout cela disparaît dans la nuit infinie. Alors le même vertige revient... Ce même vertige et rien n'y fait.

Le ciel se creuse de toute la densité des corps célestes. Il n'y a qu'à lever la tête, se laisser renverser en arrière sous le poids des rêves et regarder passer les étoiles filantes.

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