Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 14 août 2010

Cahiers d'un autre été, XXIV (details)

Parfois, il y a des mots qui m'obsèdent, je ne sais pourquoi ils me parviennent en litanie lancinante, ils tournoient dans mon esprit en une épuisante mélopée, ils y énoncent les propositions les plus étranges qui soient, pendant que le fait lui-même qui très exactement en est le vérifacteur, dans le monde, s'agrippe à moi, et ne me laisse plus passer simplement, comme j'aime, sans déplacer rien autour de moi, sans faire le moindre bruit (je sais bien sûr parfaitement les lattes du parquet qu'il faut éviter et celles sur lesquelles il est possible de prendre appui, c'est la moindre des choses au regard du silence de la nuit), mais retient avec constance, presque : entêtement, mon attention comme ces végétaux étranges qui se fixent certes aux fibres textiles, à même la peau parfois, sans blesser et néanmoins sans égards, de sorte que mes mouvements se saccadent et que je n'y puis rien.

Il vaut mieux les laisser faire, aucune conjuration, jamais, n'a eu le moindre empire sur ces tournoiements incessants et désordonnés.

Telle, un été, l'abondance exigeante, impérieuse, de tout détail. Impossible, durant des semaines, de regarder quelque déploiement du monde, de se laisser flotter sur les aléas de la vision, de caresser des yeux les surfaces immenses. Je ne vis que des détails, si infimes que j'ignorais pour quelle raison des parcelles de mon attention fragmentaire s'y venaient déposer. Je n'en sus jamais rien. Je regardais le lente corrosion de la rouille sur un portail, le soulèvement de la peinture qu'elle produit et les contrastes colorés ainsi induits, les écorchures de la chaux sur un mur dévoré d'humidité, les minuscules silhouettes autrefois chargées de maintenir les volets contre les façades dans les régions que traversent de très grands vents. Je ne regardais que cela.

Attendre que cela passe. Il n'y a pas d'autre solution. Je ne voyais pas d'autre solution, seulement des détails obsédants.

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