Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mardi 15 septembre 2009

Abstraction au voyage, III

 

Résignation au mouvement d’un point A à un point B.

Nous sommes déplacés d’un point A à un point B — ou bien serait-il plus juste de préciser quelle translation vectorielle nous subissons, qui nous prend en un point A, sous le coup du départ et des adieux, et nous laisse en un point B, comme si la vague d’espoir et d’allant qu’il nous avait fallu venait soudain mourir en ce point (B) ? Translation sud-est de neuf cent quatre-vingts kilomètres (ou huit cent quatre vingt dix ?).

Chute verticale ! et la caresse de la joue touchant terre, le contact tiède de la terre sur sa joue tendue, comme pour une caresse, tendue vers la caresse de la main — avant l’écrasement de son corps, à terre.

La chute est horizontale, elle n’a pas le panache qu’en Icare nous admirons : presque personne ne la remarque. Pauvre de nous, ployés sous nos (sacs ?), dûment étiquetés, notre nom écrit comme sur des papiers où s’alignaient autrefois des phrases, notre main tendue vers le contrôleur, vaguements inquiets, notre main qui revient à son point de départ, ou peu s’en faut, contre notre flanc, peut-être dans un tremblement imperceptible, avec un billet simplement perforé,

— d’une piqûre d’épingle.

Référentiel qui traverse l’espace, vers le Nord ou le Sud, sur une carte imaginaire : nous  y tentons de minuscules déplacements. Icare fila dans le Ciel, le traversa, s’écrasa sur le sol après une dernière caresse (je reste persuadée qu’il y eut un infime instant où le sol à lui seul fut tout entier à Icare une caresse), et rien ne le fit trembler dans sa chute à travers le souffle du vent.

Nous sommes assis depuis deux heures vingt-sept minutes, nos vêtements se froissent, comme se froissent nos corps. Nos mains se salissent dans la saleté déposée. Et l’air se sature de ces inspirations expirations baîllements respirations bouches entrouvertes sur des  paroles perdues . Icare en un soupir tomba du Ciel et c’en fut finit de lui.

Combien de voyages pendulaires, d’oscillations entre un point A (Paris) et un point B (Marseille) me faudra-t-il pour me briser comme Icare en un point de chute qui soit enfin mien ? Condamnée, vous dis-je, à la translation vectorielle entre A (Paris) et B (Marseille) ou entre (A) Marseille et B (Paris) — usure du monde ?

 

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