Après avoir traversé la cafétéria déserte, veilleuses aux faibles lueurs, pris l'ascenseur étouffant, et pas trop regardé le linoléum bien ciré des sols huileux presque, après la pluie battante qui m'a transie, lorsque, au bout du couloir, la porte de ma chambre s'ouvre sous la pression de ma main, celle restée libre des bagages, des papiers, au soir, après tout ce voyage, arrivée dans une ville inconnue, la monnaie recherchée au fond d'une poche, du bout des doigts, un distributeur repéré au hasard de signes qui ne me parlent pas, décelé les bus… enfin, au terminus de la ligne 3, l'adresse indiquée.
La porte s'ouvre et l'espace de la chambre n'offre rien à quoi se raccrocher — il glisse — de la porte à l'évier, de l'évier au lit jusqu'à la fenêtre, rien ne retient et ses couleurs n'existent plus. Aucun objet familier, aucun livre corné, aucun pull froissé, en boule ne retient le regard, n'arrête les gestes, n'incite à se pencher vers lui.
Sol luisant, étagères vides, et le vent dehors aspire les rideaux à l'extérieur…
Je n'imagine pas y dormir. A dix-sept ans, on apprivoise sa liberté en punaisant au mur un portrait de Rimbaud, on ne voit pas la fissure qui court à côté, qui serpente, ni le coin décollé du papier peint qui suinte perfidement… Mais ce soir…
Je n'imagine pas, dans cette chambre, l'abandon du sommeil.
D'ailleurs le lit n'est pas fait. Les draps blancs et la couverture marron, rêche, n'appellent pas le repos. Le journal de la veille, d'une ville inconnue, je le lis sans le décrypter, il en vient le parfum d'une vie autre, dont les possibles me sont étrangers. Je les traverserai quelques jours, quelques nuits, sans désir de rester.
La pluie à présent crépite. Dehors, les lumières des réverbères et les halos des phares sont devenus incertains. Monte une odeur de pluie qui tombe à verse, elle dégoulinera pendant des jours le long des vitres. Elle commence, et déjà monte son odeur immense, le vent l'introduit dans la chambre, il introduit l'odeur des pluies immenses dans la nuit des villes inconnues, et la fraîcheur humide, et l'air nocturne et vif.
Comme une respiration…
Quel endroit austère ! Puisse la pluie lui amenait au moins cette fraîcheur qu'on attendait à la fin de ton récit.
RépondreSupprimerQuel endroit austère. Puisse la pluie lui apporter la fraîcheur dont tu parles à la fin ! Je l'attendais.
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