Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 2 octobre 2009

Éclats de jour la nuit (Vase communicant, Jean-Yves Fick)


Éclats de jour la nuit

L'automne

l'été y revient d'un ressac brusque

un rêve

comme ciels clairs

lumière et chaleur

douces parmi le jour

aux petites feuilles déjà jaunies

sont alors images qui se lèvent

soudaines sautes de vent qu'on croyait abolies

mais non

il y a dans ces jours déjà l'essentiel.


On voit

la silhouette d'un homme

taille médiocre jeune encore

il marche

et titube fatigue

dans la solitude sèche et immense

des dunes

il marche

la mélancolie pour seule compagne

il marche

un petit boitier au côté

s'arrête

le porte à son oeil

photographie

on ne saurait dire

on ne sait quoi

le sait-il lui-même?

il marche.


Il n'y a rien ici

du désirable factice

-lieu âpre et rude et doux-

rien

si ce n'est

un jour qui finit

rien que le bruit

ample

immense

régulier

le souffle large

le flot Océan qui bat

sa mesure haute

des lampes clignent au loin

palpitent dans l'odeur des algues

de la mer proche

un rai de Cordouan

marbre régulier rythme la brume légère

rythmes aussi

dessus de petits coquillages

de petits cailloux

de petites herbes sèches

qui respirent

les vagues longues ou courtes

le soir

les chardons

bruissent

quand s'écoulent les sables

secs

en petits monticules

impondérables.


Encore cette ombre

encore cet arbre

mort

encore un reflet

mi-terre mi-eau

écriture du vent

qu'on ne saurait déchiffrer

qu'en une langue perdue

le dernier soir seul étend son empire.


Plus tard

plus pâle

plus maigre

ce sont mois écoulés

comme monceaux

croulent

la même silhouette

penchée

oublie son latin

dans l'ombre rouge du laboratoire

improvisé

s'imposent

d'autres gestes

les odeurs

acides

acétiques

les bains

révélateurs et fixateurs

périmés

d'où les voiles gris

dans la naissance neuve

de ce qui fut

qu'on n'avait pas bien vu

et laissé reposer

au noir

en petits formats

et tout cela

pêle-mêle

sèche

au vent du printemps indifférent.



Sous verre

poussières

gris terne des chambres

des appartements

au gré des

errances

ici

toujours plus loin

dans un peu de temps

un fil

de vie

peu d'objets

pour suivre.



Dans le dernier lieu

un homme un peu voûté

sous la lampe

la pénombre tout autour

range des livres

retrouve

sous verre encore

un regard

qui n'attendait

que lui

le temps arrêté

passé présent

la vieille magie

opère

charme

aussi fluide

aussi belle

aussi claire

et c'est pénombre tout autour

la nuit cède


un trait de sable

rien qu'un trait de sable

dans l'estuaire

une forme

insaisissable

inespérée

esquisse un pas de danse

la musique est là

dans le geste

la joie native

les courants de vie

inexplicables

retrouvés

quand

fluent et refluent

les vents et les vagues

les bancs de sables

doux aux pas

aux pieds nus

et les vies anonymes

croisées là

dans un regard


La plume note

comme bruissent voix d'enfants

derrière une porte close

les rires menus retenus

ils ne trouvent pas le sommeil

l'éclat des jours bruit clair pour eux

le monde est de nuit.


Jean-Yves Fick


3 commentaires:

  1. magnifique ce texte tout en finesse, il va très bien avec ton blog, on y retrouve cette finesse d'observation et cette dentelle de mot
    lambert

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  2. oui, l'expression est bien trouvée pour qualifier cette délicatesse, à la fois présente dans ce poème et dans tes textes à toi : "dentelle de mot"

    j'aime bien la dentelle :)

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  3. Un lien vers la galerie de photos de Juniverses : ce n'est pas un hasard si je les aime ! http://www.flickr.com/photos/juniverses/

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