Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 11 juillet 2010

Cahiers d'un autre été, III (suspension)

Je ne bouge pas, je ne bougerai pas. Il y a suffisamment de sensations ainsi pour m'occuper jusqu'à l'oubli.

S'allonger sur le ventre est une bonne stratégie pour tourner le dos au monde. Mon oreille droite est posée sur la serviette, à même le sol. Quand des pas s'approchent, un léger crissement du sable m'avertit. Des milliers ... au moins, des milliers ... de grains de sable sont mis en mouvement par la verticalité de la marche. Un pas. Puis un autre. Et des déplacements crissants dans le monde sablonneux. Des déplacements horizontaux qui ondulent sous la marche alors qu'elle se retient avec obstination à la verticalité. Une silhouette passe comme une exclamation. Elle projette une ombre sur ma joue que caressent les ondes souterraines provoquées par son passage.

Je ne bougerai pas. Mon corps s'est inscrit dans le sable. Le soleil le sèche sans que je ne fasse le moindre mouvement. Il suffit de ne pas bouger. Il y a peut-être une légère brûlure, oui, c'est possible. Le vent et le sel et le soleil se mêlent à moi et cela brûle un peu. Mais je ne bougerai pas. Je ne romps pas l'horizontalité du monde pour des prétextes aussi futiles. Les vagues il y a un instant encore me portaient. Maintenant le sable infusé de la chaleur du soleil suit les contours de mon corps et le porte doucement. Je ne risque rien, tout au plus de me glisser dans une rêverie vague. Cela n'a pas d'importance.

Il y a des rêveries sans âge qui reviennent tous les étés depuis des millénaires. Un grain de sable ne fait pas un tas de sable... Mais alors combien faut-il de grains de sable pour... Ma main esquisse un mouvement. Je ne vois pas comment mes doigts encore mouillés prendraient un seul grain de sable à la fois... Ma main glisse et caresse le monde. Paradoxe des grains de sable qui ne sont que des grains et font une plage sur laquelle rêver. Pour échapper au paradoxe, je me souviens... un article de la revue de métaphysique et de morale... il faut suspendre son jugement... Je suis bien sur la plage même si la sagesse antique a reculé devant les mystères d'un sorite.

Je n'ai même plus besoin de penser. J'entends les vagues et tout en moi peut être silencieux.

2 commentaires:

  1. Bon, faudrait voir à mettre de la crème quand même car le gros et ardent jaune tout là haut va vite te sortir de tes rêves.

    RépondreSupprimer
  2. Ca donnerait envie. Laisser le sable tiède couler comme la vie entre les doigts mi los et somnoler qq annes. En paix
    Dona Ferrentes

    RépondreSupprimer