Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 22 juillet 2010

Cahiers d'un autre été, XV (un peu plus loin dans l'été)

Un peu plus tard, il fallut reprendre la route. Ces quelques jours n'avaient été qu'une escale. Elle avait permis de se défaire de la pesanteur du temps passé, comme on époussette sa manche de la poussière de craie que le mur frôlé de trop près y a déposée, mais il fallut repartir. Repartir c'est-à-dire si on déploie le lent déroulement des phrases et des actes emboîtés les uns dans les autres, faire rentrer une à une toutes les affaires éparpillées dans des sacs, les ramasser d'abord, entasser les sacs eux-mêmes dans le coffre, et reprendre la route, après avoir vérifié la fermeture de toutes les fenêtres contre la pluie, puis remonter le fleuve le long d'une vallée si immense qu'elle en devient abstraite tandis que ses contours se perdent même si une citadelle en étoile en marque l'entrée.

Une escale à l'entrée de l'été. Il fallut remonter un peu plus loin dans l'été. Contre le courant du fleuve, et contre les méandres du temps, de la mémoire, du passé qui peu à peu sombrent, se perdent, s'enlisent, comme bientôt je ne serai plus rien. Je conduis sous la pluie. Les essuie-glace passent mélancoliquement entre le paysage et moi, et de ce monde je me contente d'enregistrer les données objectives ; les informations factuelles qui me parviennent concentrent certes toute attention, mais ne demandent pas assez toutefois pour empêcher une angoisse sourde de poindre et de ruisseler et de se répandre dans tous les espaces les plus reculés de ma mémoire.

Je vais vers l'été mais il y a bien longtemps que j'ai appris que les étés finissent, qu'ils nous reversent dans le même monde et que tout est à recommencer, encore et toujours. Je ne crois plus à rien. J'ai simplement du sable entre les doigts, il file et je le sais. Je ne crois même plus à l'été, je n'ai même plus la force de croire en lui, de me rattacher aux lentes métamorphoses des jours, je ne place ma confiance que dans son naufrage silencieux et calme, presque immobile sous une pluie fine et insistante, qui souligne nos échecs et n'emporte pas nos larmes.

Je ne crois même plus à la consolation de l'été. La maison immobile sent bon le soleil quand commence la cérémonie inverse et bien plus simple de l'éparpillement des affaires de par l'espace vertical, de l'ouverture des volets, de l'arrachement de tout voile qui couperait du souffle du vent ; elle se rouvre sur le jardin mouillé et sur ses paradoxes. J'ai envie de croire à ce possible mais les désillusions sont trop féroces. Je ne fais rien de plus que caresser le tronc du cerisier blessé.

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