Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 27 septembre 2009

Abstraction au voyage, VI

 

Le quai est luisant de pluie. La file des voyageurs se délite le long des rames, immobiles encore pour un temps. Les pas glissent de la pluie récente. Les groupes montent, des grappes se détachent, la foule se raréfie. En tête du train, peut-être parce que la pluie récente a rendu les pas hésitants, il ne reste presque plus personne quand je monte dans le train.

Abandonner tout sac délasse l’épaule. La pluie reprend, glisse verticalement sur la fenêtre. Dans exactement treize minutes, elle traversera la vitre selon une ligne horizontale sous l’effet de la vitesse, le train étant lancé lui-même en un déplacement presque horizontal. Les ingénieurs auront pris soin, avant de nous renvoyer à notre point de départ, de lisser toute aspérité. Nous ne descendrons ni ne remonterons les reliefs sensibles aux pas. Nous traverserons le paysage de part en part, toute possibilité de pont immense et suspendu, de tunnels aveugles étant saisie. Tunnels aveugles, où il n’est pas possible de s'assurer de l'horizontalité : peut-être tombons-nous à la verticale, rien de ce qui nous vient des yeux n'empêche de le penser.

Le train remonte la vallée, à égale distance de l’autoroute et du fleuve, dans une parallèle méfiante à leurs tracés. Les éoliennes sont l’indice dressé dans la plaine du souffle du vent. Il nous est contraire et descend vers la mer ; sur elle, il s’ira perdre au large en un déploiement insensé. Les éoliennes impassibles marquent la remontée vers le nord.

Le sac entrouvert a glissé sur le sol. Les yeux se font indécis, le livre ouvert se ferme peu à peu, et la tête s’appuie sur la main, le coude glisse, un bras replié contre lui, le voyageur, peu à peu, glisse dans le sommeil, sommeil fragile, ponctué des annonces, entrecoupés des passages. Le poids de la journée l’emporte, le corps s’affale doucement, le dormeur inconscient remonte vers le Nord.

Bien plus tard, le train freinera sur des kilomètres, avant que les portes ne coulissent. Les profondeurs du métro s'ouvriront pour avaler les voyageurs.


2 commentaires:

  1. si c'était un tableau je dirai que la composition et rigoureuse et que son auteur je joue de la perspective géométrique. Pourtant, ses personnages, plus vivants, ne sont pas figés ainsi l'ensemble est dynamique et riche en lignes et profondeurs . . .

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  2. Je pense aussi qu'il y a dans ces lignes des décrochages, des aspérités, que je n'ai pas encore rendus, auxquels il faudrait que je m'attache désormais. Ligne de tension entre l'abstrait et le concret que tu soulignes si bien.

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