La porte se referme. Elle claque. D'un bruit sourd, les gonds terminent leur mouvement de rotation, et son poids enclenche le verrou. De sorte que je n'ai plus rien à faire. Me voilà, encore trempée de la tempête maritime qui a balayé la ville, ruisselante d'un orage dans une mer inconnue, à peine aperçue de l'avion, dans la lumière du petit matin, seule, enfermée dans un espace que quelques pas suffisent à traverser, et qu'il me faut, pour quelques nuits encore, considérer comme ma chambre, alors même que, je le sens bien, les gestes qu'il y faut inscrire ne sont pas exactement les miens… On admettra comme un décalage entre les mouvements que mon bras, spontanément, accomplirait, et les emplacements des objets.
Je la traverse dans sa dimension la plus grande pour aller à la fenêtre, essayant ainsi le geste de toutes les rêveries d'enfant devant un monde si vaste qu'il nous aspire. Mon front se pose sur la vitre. Elle ne s'ouvrira pas. Du dix-septième étage, toutes les ouvertures sont condamnées. Les flots des voyageurs se sont taris. Quelques silhouettes éparses attendent sur les quais le passage d'un train dont je ne perçois pas le bruit. Il arrive pourtant comme un trait lumineux. Elles montent. Il s'éloigne et le quai, pour un moment, redevient vide. Puis quelques unes apparaissent, immobiles, sans doute brisées par la fatigue, envahies de sommeil ou d'alcool.
La rêverie n'a qu'un temps et un temps la surface lumineuse de l'ordinateur me reliera à des voix familières. Elles se dispersent dans leur jour, dont les échos me parviennent, s'étonnent de me trouver là, de l'autre côté d'un monde, derrière l'écran de leur ordinateur. Leurs murmures s'entrecroisent et pendant que les nouvelles se diffusent, je crois même que le passage des trains a cessé.
Un peu plus tard, les heures auront perdu leur sens. L'électronique s'est-il déglingué dans l'éloignement ? Ma conscience parfaitement aiguisée est en plein désaccord avec toutes les indications qui me sont données. Les heures s'affichent, invraisemblables. Je sais seulement que je suis au cœur de la nuit, tellement avancée en elle que les programmes de la télévision deviennent surréalistes. Au bout d'un autre moment, ils ne me surprennent même plus, de jeunes femmes aux tresses roses croisent des rock stars inconnues, un skieur fait une chute, un homme parle doucement, les yeux presque baissé, des danseurs s'agitent, tout cela devient confus, vague et mes yeux se ferment — lorsque pointent les premières lueurs d'un jour autre.
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