Laissez derrière vous le clocher ajouré qui se détache sur le ciel. À côté de lui, vous voyez ?, se penche le cyprès aigu et léger qui indique la tombe dont je vous ai parlé. Vous dépasserez le lavoir, ses deux bassins symétriques, répétition à l'identique, et vous emprunterez un moment le chemin qui longe la rivière sous le couvert des arbres. Le figuier que j'aimais s'est perdu dans les broussailles. Mais son odeur parfois se laisse discerner.
Eau vive. Tumultes et éclaboussures.
Même la centrale électrique ne l'a pas arraisonnée.
Puis vous tournez vers les collines arrondies. Elles déferlent par vagues douces dans le regard. Je sais que sur leur herbe elles faisaient sécher le linge : à même l'herbe fraîche, les draps étalés parsemaient les pentes. Je ne me représente ni la morsure du froid sur leurs mains, ni la dureté des gestes, les tâches sur le linge. Tâches de fruit, de terre. De sang ?
Je sais seulement que les draps de toile que j'ai ressortis cet été de l'armoire sont lourds,
épais,
de toutes ces nuits,
de tous ces gestes.
Il disait (je m'en souviens) : "se coucher dans des draps frais, c'est peut-être suffisant, après tout ce qu'on sait, et ce qu'on a vécu". Et je ne comprenais pas, alors. Maintenant je dépose au creux de la nuit
entre la toile un peu rêche
la fatigue bienfaisante de la marche
la veille trop longue de l'enfant malade
les rêves enfuis, au fil des jours, je leur confie ma lassitude et les angoisses de l'insomnie, et l'écoute des nuits qui passent, et les réveils pâles.
Abandon du corps
dans le lin frais, qui sent bon le vent et le soleil.
ça me fait penser qu'il faut à nouveau que je lave mon linge.
RépondreSupprimerMes draps sentent le fauve et la cendre de cigarette. On y trouve même la trace de quelques pattes de chat.
Je suis loin de la fraîcheur de tes rêves.
:)
quel délicieux plongé de soi ajouré en fil de vie bordé de rêves. un doudou ! presque ... :-)
RépondreSupprimerquelle douceur et pensée pénétrante (ça m'épate, cette conscience des choses, de la vie) et puis quelle sagesse devant le vivre ce laisser aller au temps , cette confiance dans le corps et l'esprit pour naviguer (gouverner)dans l'ocean de l'existence
RépondreSupprimerje t'envie
quelques minutes délicieuses à vous lire, merci
RépondreSupprimerJe ne sais comment publier ce commentaire, qui m'est parvenu par mail, sans le mettre sous mon nom :
RépondreSupprimer@SabineWe m'a écrit
Comme votre texte est beau.
Me touche.
Vous évoquez et verbalisez avec poésie des sensations que j'ai déjà ressenties à propos de linge familial hérité de plusieurs générations de femmes, le plus souvent brodeuses.
Vos derniers textes sont-ils en chemin vers une publication papier ?
Je reviendrai vous lire.
Vous pouvez la retrouver sur http://www.convivialiteenflandre.org