Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

lundi 27 septembre 2010

Carnets lointains, III (le répit est de courte durée)


Le problème est que les répits sont toujours de courte durée. 

Hume avait une idée sur la question.  Il soulevait de vrais problèmes, puis repartait dans le monde, dîner et boire de bons vins du Bordelais. Je l'imagine très bien, ce faisant. Si seules quelques femmes paraissent jolies, la raison en est  simplement que la beauté est affaire de comparaison. Imaginons un monde fabuleux et qui paraît accessible pourtant, c'est une expérience de pensée, bien sûr, mais elle n'est pas très difficile à réaliser, et ne demande pas trop de concentration, du moins ce ne sera pas intense, imaginons un monde possible, bien que fort éloigné du nôtre, dans lequel ne se rencontreraient que les plus belles des femmes qui passent dans le regard, sur les chemins de notre monde imparfait, eh bien : les hiérarchies  recommenceraient, les imperfections se dévoileraient dans d'absurdes concours de beauté, ou pire, les jalousies,  les regards en coin, les haines féroces se lèveraient, et seules, de nouveau, quelques femmes paraîtraient belles. 

Mais toutes, comme ici, seraient méchantes. Ou presque…

Alors les répits sont de courte durée. Mon cœur a repris un rythme normal, un peu lent, comme si lui-même s'étonnait de cette explosion passée. Assurément, il demeure dans ma poitrine, le souvenir de cette douleur sourde et intense, il s'installe dans la chair, dans les côtes, obscurément, mais peu à peu le souvenir de la douleur remplace la douleur elle-même, prend sa place, la déplace dans la mémoire, dans des profondeurs où je n'irai pas souvent la chercher (c'est un mouvement insensible) et je ne suis plus très sûre d'avoir encore mal. Je ne sais plus très bien. La tempête est traversée. Je me retrouve sur les berges du réel, un peu étonnée, un peu dépitée : ses propres battements semblent parvenir à le faire exploser et chaque fois il se ravise, ça ne marche jamais tout à fait.

Certes il y a un rayon de soleil. Doré et chaud. Il me caresse les cheveux, descend sur mon visage, mon cou et arrive jusqu'à l'épaule.

Je reste encore un peu affalée dans le canapé, la couverture de laine qui m'enveloppe se souvient pour moi de ce qu'était, autrefois, la douceur de la vie, cette douceur qui aujourd'hui empoisonne mon sang, et empêche ma respiration. Je repousse encore quelques instants le premier mouvement qui viendra rompre le calme de ce moment, briser le charme. Je sais qu'avec lui toute l'amertume reviendra.

Je ne vais pas rester là. 

Dans ces décombres de rêves et d'espoirs brisés. J'ai remarqué qu'ils étaient plus tranchants que du verre. Qu'ils pénétraient les chairs plus profondément. Que le fil de l'incision qu'ils pratiquent est net. Elle s'enfonce profondément. On saigne à peine et pourtant la blessure ne guérira jamais.

Il n'y a plus qu'à se jeter dans le vide.


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