Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mardi 7 septembre 2010

Carnets Tokyoïtes, liasse perdue



Ivresse des solitudes. Là où je suis. J'y suis, et je suis à l'abri. Ivresse des solitudes parfaites. Le fil imparfait et électronique de mon téléphone portable s'est rompu, l'objet désemparé gît, inutile, au fond de mes poches. Là je suis, dans les profondeurs de la solitude, engloutissement, et j'y suis à l'abri. Tellement que les lignes faiblement lumineuses qui s'affichent sur l'écran de mon ordinateur, lorsque le soir tombe et que la solitude se referme quelques moments entre quatre murs, ne font pas surgir la moindre inquiétude. 

Elles n'éveillent pas la moindre inquiétude. De là où je suis, je ne peux plus rien. Je me suis tellement éloignée, enfoncée dans les plaines glacées de la solitude, que je ne risque plus rien. Les routes étaient verglacées, et l'espace parsemé de lueurs immenses et de flammes, mais là où je suis, je ne risque plus rien. Il est impossible que je fasse un mouvement, que je tente un mouvement, que je me risque à quoi que ce soit.

Ivresse des solitudes. Je ne sais pas pourquoi pas une seule fois je n'écouterai de la musique.  L'objet gît inutile et je ne le sortirai pas de la poche sombre de mon manteau. Pas une seule fois je n'aurai l'idée de recouvrir mes errances de ce que constamment j'écoute. Répétition. Reprise. 8612 fois le Menuet des Suites Françaises.  

Je ici n'importe pas, le moi est haïssable et il est donc de rationnelle et bonne guerre de haïr l'autofiction. 

Pas une seule fois la musique ne recouvrira mes pas. Pas une seule fois la musique ne s'interposera entre la ville et moi. Il était absurde, ici, de jouer des décalages et des superpositions étranges sous lesquels il est possible, à Aix-en-Provence, de recouvrir les strates du désespoir (je déteste cette ville, puissé-je ne plus jamais la revoir, les malédictions manquent aux athées, aux exilés, mais puisse-t-elle être mille fois maudite, et les fines craquelures des façades lisses de ses beaux hôtels la faire voler en éclats dans la nuit glaciale et étoilée).

Là, au cœur de la solitude, le décalage était si puissant, si enivrant qu'il toucha quelques jours à la perfection. Quelques jours, je n'eus plus besoin de souffrir ni de chercher des malédictions silencieuses. J'avais rejoint le lieu de mon exil. Il s'ouvrait, dans les profondeurs accueillantes de la solitude.

1 commentaire:

  1. Chacun arpente sa condition, à sa façon. Chacun relit l'histoire du jour à sa bonne mesure protégé par la mise en scène du chenal, pour ce qui me concerne. Chacun, ici ou là, fabrique sa délivrance et qu'importe les multiples pour donner l'impression d'exister. On vit comme l'on peut et c'est déjà beaucoup.

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