Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

lundi 27 septembre 2010

Carnets lointains, V (mouvement)


Je me jette dans le vide.

C'est simple : il suffit d'enjamber la fenêtre. J'ai passé une longue robe, des superpositions de tissus la composent et la recomposent, des strates de soie que le vent emportera, couleur pivoine, une soie couleur pivoine, du blanc au violine le plus profond, très longue. Je m'assieds sur le rebord de la fenêtre, le vent nous portera, les jambes dans le vide. La position est inconfortable mais ce n'est pas très important, n'est-ce pas ?, quand on va sauter dans le vide ? Déjà le vent soulève les strates, comme s'il était possible de voler, comme s'il était possible de passer d'un monde d'un monde dans un autre, le brouillard amortirait la chute, proposerait des alternatives, des embranchements différents et finalement la chute serait un envol.

Je ne veux pas qu'on me retienne.

Le brouillard qui monte soulève avec lui toute l'humidité de la mer. Derrière ces fenêtres, lumineuses ou sombres, carrés juxtaposés superposés dans l'espace selon le principe binaire oui/non, noir/blanc, auquel, à tout autre, je préfère le 0/1, il y a des femmes qui bercent des enfants, des enfants qui jouent en attendant le retour de leurs parents, des hommes qui fument en regrettant le départ de leur compagne, des vieilles, seules, qui déposent sur la table une seule assiette, sous le néon de la cuisine, des femmes qui pleurent recroquevillées comme des enfants sur leur lit immense et vide, des chats roulés en boule qui dorment et rêvent, des odeurs de cuisine qui montent, des couples qui font l'amour, des vieux qui tombent et se fracturent les os.

Et de tout cela rien ne me retient.

Icare un jour prit son envol. Il avait le soleil dans les yeux. La mer en bas de la falaise berçait ses rêves. Il savait tous ses espoirs fracassés. Alors il poussa son fils dans le vide et derrière lui, prit son envol. Ses ailes fondraient au soleil, et tout cela se finirait dans les flots, mais Icare ne le savait pas. Je n'ai aucun doute sur l'issue, Icare a toute ma tendresse.Ses rêves me bercent. Depuis longtemps.

Alors il est simple de provoquer un léger déséquilibre. Trois fois rien. Balancer légèrement, très légèrement le poids du corps en avant. Il suffit de penser à Icare, avant d'imprimer un léger mouvement du buste. À ce moment, là je regarde les verticales qui s'enfoncent dans le brume du ciel. Les ascenseurs tracent un trait lumineux, des pointillés, rien de plus, des couples sortent au théâtre et s'embrassent en apesanteur dans le monde, elle est certainement trop parfumée, il a dans la poche un téléphone qui lui transmet les messages de sa maîtresse.

Je bascule dans le vide.




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