Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 12 novembre 2010

Carnets lointains, XLIV (halo)


Quand la dernière de ces fleurs monstrueuses s'est retirée de mon esprit, tendu vers sa saisie, incapable de la cueillir, j'ai compris qu'il ne servait à rien d'attendre dans l'obscurité, il était à présent parfaitement clair que toute cette nuit serait vouée à l'insomnie pâle, qu'il n'y aurait en elle aucun abandon des forces pour les mieux retrouver, intactes, entières, au matin, et que la tête pas un instant ne reposerait mollement dans les formes de l'oreiller, n'y imprimerait son poids abandonné, ne s'y laisserait porter. 

Quelque exil loin de tout repos se dessinait.

Cela ne me dérange pas fondamentalement. Les journées qui les suivent, entièrement vides et presque silencieuses, dans lesquelles quelque chose sans doute comme le fantôme de cette nuit ne cesse pas un instant de nous entourer et de nous tenir, et de mettre, entre le jour et nous, l'espace de la nuit impossible que nous avons traversée, ne sont pas absurdes. Les impressions aiguisées, qui suivent cet enchaînement des jours sans rien entre eux pour les séparer ont la texture déchirée d'un velours dévoré par l'acide, qui se serait accroché, déchiqueté dans les décombres inaccomplis des rêves. Mais  ces floraisons intenses ne sont plus supportables,  pas plus que ces exhalaisons absurdes qui se dérobent chaque fois qu'il serait possible de les atteindre, il vaut mieux ne plus être le jouet de ces apparitions, à ces disparitions, échapper aux frôlements de leurs pétales de soie.

La lumière dessine dans la pièce un cercle qu'il est possible d'habiter.

Attendre, à l'intérieur de ce cercle, paraît une hypothèse raisonnable. Il suffit de ne pas franchir la frontière imprécise et tremblée, d'abandonner l'obscurité aux frôlements et au passage des rêves fantomatiques (cette manœuvre étrangement les vient conforter), et de se tenir à l'intérieur de l'espace ainsi délimité. Il n'y a rien à espérer, rien à attendre. Il suffit de se concentrer pour entendre, au delà de la fumée calme qui enroule des spirales au dessus de ma tasse, en réponse à ma respiration, pour percevoir très indistinctement la palpitation calme de ce réveil, qui a accompagné chaque instant de ce monde avec une parfaite régularité.

Il y a des décennies qu'il ne fonctionne plus.


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