Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 14 novembre 2010

Carnets lointains, XLVIII (engourdissement)


C'est toujours ainsi que se terminent les nuits d'insomnie.

Au point du jour, quand le ciel commence à pâlir, (l'arbre encore dépouillé étend un peu plus précisément son ombre sur la toile devenue un peu plus claire du ciel, les contrastes s'accentuent peu à peu, de sorte que le regard ne se noie plus dans l'opacité d'un monde touffu, mais à cette heure-là, les unes après les autres, les pointes les plus extrêmes de ses ramifications les plus fines se tracent sur le fond du ciel, comme si une main terminait plus sûrement le dessin et étirait des traits jusque là indécis avec une parfaite précision) alors un engourdissement irrésistible gagne. 
 
La chose est très étrange et toujours vérifiée. 
 
La nuit perd la partie, et se disperse face au jour dans les recoins les plus ombreux du jardin, une vague après l'autre, elle recule, la nuit qui recouvrait toute chose pâlit, son encre se dilue. Ce sont d'autres embranchements, d'autres méandres des pensées qui alors se découvrent et poussent en direction jour, comme si, soudain, venait de se découvrir une autre route temporelle. Peu à peu les anticipations du jour (je ne sais pas l'expliquer, je ne sais même pas pourquoi elles sont moins fortes, mais pourtant, elles le sont) remplacent les angoisses sourdes et incohérentes, qu'on traverse comme des marins épuisés. Des cheminements alors paraissent possibles. À la première lueur du jour, les forces se détendent, nous ne sommes plus au cœur de la traversée, il est moins besoin de lutter, les pensées les plus obsédantes, celles dont nous avons craint, au cœur de cette plongée dans l'obscurité, ne jamais pouvoir nous défaire, reculent devant les lueurs pâles et fragiles. 

Maintenant que le monde se dessine et reprend forme, notre présence n'est plus indispensable.

La douceur ivre du sommeil et de l'extension immobile des rêves devient possible dans ce renversement. Le minuscule cercle de lumière dans lequel nous avions lutté toutes ces heures (elles n'avaient même plus une dimension d'heure, plus rien ne les comptait que nos regards sans cesse répétés à un hypothétique décompte du temps, aléatoire et dérythmé) ne nous retient plus. Voilà que l'horizontalité nous accueille et que nous nous perdons dans un sommeil enfui.

Notre attente se termine dans le monde retrouvé.

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