Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 28 novembre 2010

Manuel anti-onirique, III


Déchirer les brumes du rêve… À cela, sans doute, le précepte retrouvé est bon.

Des silhouettes passent autour de ce trou noir qu'est devenu le moi. Convocation d'elles. Elles toutes. Il est presque impossible de percer dans la pénombre le secret muet de leur visage. L'air vibre, autour de ce trou noir qu'est devenu le moi et dans lequel elles pourraient bien s'abîmer. Quelque chose se forme, quelque chose comme une ronde dont le caractère enfantin se serait perdu. Les sons dissonants se métamorphosent en dissonances assourdissantes. Si ce n'est une ronde, alors cependant, c'est bien une danse. Macabre.

Invocation des voix. Elles parviennent en ordre dispersé dans la mémoire. Pour commencer, les voix. Ce sera plus facile. Division de la difficulté. Or elles sont la première vibration rencontrée de l'être, et  voilà qu'elles reviennent en mémoire, en ordre dispersé. Dans l'air glacé de l'hiver, même, alors que tout est figé par le froid et qu'aucune esquisse de mouvement ne paraît désormais possible, les voix prennent un relief extraordinaire. Ne serait-ce qu'une esquisse, un frôlement intenté, et il semblerait que l'air lui-même pourrait se fendre. Impact. J'en ai déjà parlé. La présence se perçoit d'abord par la voix, vibration de l'être, quelque chose comme sa musique propre, dans la nudité de la parole.

L'hiver s'est figé. Il semblerait que l'air lui-même devrait se fendre si une voix, dans le silence, s'élevait. De sorte que ce qui suit ne reçoit aucune explication. Dans le froid glacial de la chapelle, entre chaque mouvement, le violoniste ré-accorde son violon baroque que l'absence de tout vernis rend plus sensible encore que les doigts du musicien. L'instrument, constamment, se désaccorde. Le musicien avec patience, interrompt la course du temps,  le ré-accorde et reprend le concerto là où il en était, et avec lui, la course du temps reprend, suspendue toutefois, à eux. 

Cependant que le verre millénaire des vitraux ne tombe pas en éclats colorés sur le sol, il est impossible de comprendre pourquoi.

Une hypothèse sur le mouvement pourrait être qu'il devrait vraisemblablement provoquer un impact irrémédiable dans le monde. Sous une telle hypothèse, l'hésitation éprouvée est bien compréhensible. Et cependant, le froid ne semble pas entamer l'amplitude de l'archet. Dans ses mouvements, liés, détachés, nulle emprise de l'hiver. La représentation ne se fractionne pas, les silhouettes ne se diffractent pas dans des espaces impossibles à réconcilier d'une réalité feuilletée. Un instant, autour d'eux, l'immobilité est parfaite, aussi profonde que le silence.

Alors leurs deux visages se rencontrent et leurs lèvres s'embrassent.

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