Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 27 novembre 2010

Manuel anti-onirique, II



Journal d'une désintoxication aux rêves. Pour laquelle il est clair qu'il faut désormais bannir toute phrase à la première personne du singulier. Cette seule injonction devrait suffire, à condition toutefois de se tenir scrupuleusement à elle, et de traquer, dans les phrases, tout ce qui, subrepticement, pourrait se rapporter. au moi. Il n'y a certes pas que le moi, dans son instanciation nominale, qui soit haïssable. Grammaticalement aussi, le je est exécrable, et ce n'est donc qu'à la suite très logique de considérations  classiques, qu'il est possible de conclure à ce précepte unique :

Éviter toute phrase à la première personne du singulier.

La règle des trois unités qui définit le théâtre classique est très éloignée. Rien de tel non plus, que les césures splendides des alexandrins, ne pèse ici, la souplesse est presque sans limite, les impératifs très affaiblis, de sorte que les phrases iront de leur propre mouvement dans leurs méandres insondables, éviteront uniquement de se heurter au je, d'emprunter ce détour par la première personne égotiste et étroite, qui, irrémédiablement, les enfermerait. Mais il ne serait pas raisonnable d'en demander trop. Il n'est pas impossible d'espérer, alors, que les phrases, une fois débarrassées de cette personne haïssable, se rapprochent du monde. Il est possible que le monde, alors, se laisse entrevoir si le philtre du langage, encore une fois, accepte d'opérer cette métamorphose puissante.

Il va de soi que ce précepte ne vaut que pour celui qui l'applique.

C'est bien là son immense étrangeté. Il y a des antécédents magnifiques toutefois. Les règles de la méthode, que Descartes énonça si précisément, —procédure ordonnée, division minutieuse des difficultés,  sous condition d'une refondation complète de toute connaissance, par quoi il commença son entreprise —, auxquelles il se tint si étroitement dans son cheminement à travers la philosophie, pour être suivies, demandent à l'esprit de mettre en branle des forces inimaginables. Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée. Il ne saurait donc être question, au regard de cette division extrême du bon sens, de sa parcellisation invraisemblable (chacun de nous, certes, en a une part mais pour que chacun de nous en ait une part, il a fallu n'en donner à chacun qu'une parcelle infime) de conseiller une telle démarche. 

Les préceptes ne valent que pour celui qui s'en nourrit, et qui, ainsi, écarte les brumes de la rêverie.




1 commentaire:

  1. Le je, le moi, c'est difficile d'aller de l'un à l'autre. C'est peut-être pour ça que Blanchot revendiquait le il en littérature.

    RépondreSupprimer