L'heure a fini par venir, qui dissout l'ici et le maintenant.
Le couloir grège s'étire, immense et vide, segment rectiligne d'un espace dont les portes s'alignent sur les côtés, toutes fermées, toutes identiques. Quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit, je ne l'ai jamais vu que vide, exception faite du matin, quand les femmes de ménage le remontent méthodiquement, et nettoient une à une des chambres dont je n'ai jamais croisé les occupants ; il semblerait qu'ils soient déjà repartis, mais d'eux, je ne saurai jamais s'ils sont arrivés à un moment t du temps qui aurait dû, selon toute logique, précéder le moment t' de leur départ dans la constitution de leur série temporelle. Il semblerait qu'ils soient repartis sans même être arrivés, et les femmes en t'' défont les lits, enlèvent les draps et les serviettes, jettent les menus objets de toilette dont je n'imagine pas un instant qu'ils aient été utilisés pour les remplacer par d'autres, identiques, qu'elles posent au même endroit.
La seule variation possible trouve refuge dans la répétition du numéro qui, en lettres dorées, se modifie par moitié. Tandis que la première moitié demeure, imperturbablement identique à elle-même, sur toutes les portes, et répète au voyageur le numéro de l'étage, la seconde moitié lui répond ce que l'on pourrait convenir d'appeler le numéro de la chambre, dans ce dix-septième étage qui se trouve aussi être le dernier, au sommet de la tour, vue sur les autres tours qui elles-mêmes, en retour, nous voient. Je les remonte un à un, appelle l'ascenseur et retourne dans le hall, traversée silencieuse, pour échapper à ce monde étiré dans le bar de l'hôtel.
Ici la vie se condense, dans les espaces faussement intimes que font les tables sombres et les fauteuils de cuir. À côté de moi, un couple se déchire en Allemand, je comprends sans comprendre, elle pleure, il s'ennuie … le serveur passe, ne me regarde pas, décide de revenir plus tard. Cela pourrait confirmer l'hypothèse selon laquelle le temps a subi quelque dissolution autant que durera la nuit. Je ne penche pas encore pour une abolition pure et simple. Disons pour le moment un étirement dans l'insomnie. Il s'ennuie toujours, elle pleure moins. On ne peut pas appeler cela une réconciliation. Un autre serveur passe, me demande ce que je veux, qu'il apportera dans un temps indéfini. Peu m'importe. Ils s'ennuient, à présent, tous les deux. Leurs sentiments sont revenus à un point d'équilibre qui me permet de m'en désintéresser. L'empathie cesse tout à fait quand ma boisson arrive.
Selon ces coordonnées du temps et de l'espace presque indécidables, je me sais seulement très loin de tout.
Tu es à l'évidence en désaccord avec le temps. Celui qui se formalise par ce t. bien précis, à l'inverse des moments, de tes moments, peut-être même du moment de tes thés. Des tea-times allongés qui je t'imagine prendre en dehors, justement, de tout temps. :)
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