Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 1 avril 2010

Carnet Tokyoïte, liasse 17 (parallèles)

Juste cela. Une impression. Elle revenait ponctuer mes nuits.

Bien des heures après le crépuscule imprécis, je plongeais dans une solitude immense, sans commencement, sans fin, qui n’était d’aucune nuit, ni d’ailleurs ni de là-bas, aucune nuit de ce monde. Son extension temporelle échappait à la saisie des horloges, dont le battement semblait avoir perdu son efficacité, déjouait leur mécanique, s’attaquait à leur régularité très exacte, car en dépit des minutes puis des heures qui se dissolvaient dans l’attente du sommeil, mes yeux restaient ouverts.

Il était impossible, je le sentais bien, de traverser le vide de cette zone frontière interminable entre un jour pluvieux et un autre jour pluvieux, dont le petit matin gris viendrait me surprendre en se mêlant à l’averse, à un moment où j’aurai absolument désespéré que tout cela prenne fin, cette attente et ce désœuvrement, et ces angoisses lointaines, dans un monde écarté, et cette impatience aux attaques fulgurantes, et ces espoirs dévorants dans lesquels il faudrait mettre ses pas.

Je n’y plongeais pas. J’y glissais en dépit de ma résistance, de toute l’obstination que je déployais à rester en mouvement dans l’espace rigoureux des gratte-ciel et des tours, des escaliers roulants, des ascenseurs immenses, acier et béton confondus, entremêlés jusqu’au ciel, intriqués, entrelacés, et bien plus loin encore. Les horloges détraquées m’y poussaient, elles avaient dévoré le temps de la journée, l’avaient déchiqueté, mais pour quelle raison m’abandonnaient-elles dans un temps distordu ?

Au cœur de l’attente, son objet même s’estompe. Il se dissout. Alors ne reste que l’attente pure, dépourvue de l’objet de sa tension, elle se vide et voilà quand on la frappe, qu’elle rend un son mat et blanc. Pour lui échapper, il fallait emprunter un couloir immense et désert, dans lequel se faisaient face deux rangées de portes, dont les numéros laissaient imaginer un vertige de pas, et de paroles, et départs, et de clefs qu’on cherche, qu’on tourne, qu’on abandonne au fond de multitudes de poches. Vertige horizontal, impossible à affronter.

2 commentaires:

  1. (temps distordu) vertige. absence du temps. hors de. absence. attente.
    espèrons le jour à te lire.

    RépondreSupprimer
  2. le plus marrant, c'est que cette zone de non-temps, elle est éternelle et que tu t'en souviendras toujours, telle que tu l'as subie.
    Ca rappelle aussi certains souvenirs de petite enfance, quand les paysages n'étaient pas encore ordonnancé par la raison et qu'un arbre était une grande silhouette de conte.
    decke Kussi (=bisous)

    RépondreSupprimer