Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 10 mars 2011

L'∞, 55

Un grillage quadrille la vision, vibration latérale, indésirable, sur la droite du champ de vision, sans qu'il soit nécessaire de le regarder, sans qu'il soit possible de ne pas le voir, et puis plus haut, au-dessus du mur de pierres, mais il n'est pas nécessaire de lui prêter attention.

Des losanges, en quantité, mais l'innombrable ne fait pas l'∞. L'innombrable n'est qu'une impuissance de notre faculté de dénombrer, qu'une lenteur paresseuse de l'esprit, qui cesse d'imaginer les côtés du chiliogone avant de cesser de les concevoir. L'entendement excède l'imagination. Je sais qu'ils sont en nombre mais je ne les compterai, je tâche même, le plus possible, de ne pas les percevoir, même quand il faut se plaquer contre le grillage pour laisser passer un passant en sens inverse. À cette heure, il est probable qu'il y en ait peu, et qu'on rentre chez soi dans un flot disparate et parallèle.

Quelques passants, en ordre dispersé, tous dans le même sens, parfois un, à leur rencontre, égaré.

Parallèles (les voies ferrées, rouillées ont conduit ce monde à un point étonnant de décomposition, sans doute bientôt atteindre-t-il un point de rupture). Grillage. Son frottement. Le long soupir des pans du manteau qui intermittence, sans que le cœur ne s'en affole, suit le grillage. Qui suit les parallèles de la voie ferrée. Quelque esprit sans doute a pensé protéger ainsi des trains qui à intervalles réguliers, et nous a réduits à remonter une longue enfilade caillouteux.

Puis soudain, la perpendiculaire du pont. Suspendu au dessus de la voie ferrée. Un train passe. Dans un sens. Puis dans l'autre. Jamais ils ne se croisent. Le pont est métallique et la rouille, bien évidemment l'a attaqué. Je n'invente rien. Même si tout ce paysage est absurde (invention d'un paysage absurde qui est la grande affaire de notre temps et de nos villes), je n'invente absolument rien. Je ne fais rien d'autre que de remonter en nocturne vers la vieille ville.

Pour empêcher les dérapages, le tablier du pont est lui-même strié, dans un sens puis dans l'autre, vibration, losanges, qui s'ajoutent aux précédents, il n"y a que cela, des quadrillages, des quadratures, des vibrations parallépipédiques, un nombre indéfini et absurde de losanges.

Mais dans tout cela, nul trace de l'∞. Aucun indice que mes pas se placent dans ceux de la possibilité (la possibilité suffirait) d'Ulysse.

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