Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 11 mars 2011

L'∞, 56


Il vaut mieux, quand on marche là, tout le temps où on suit cette courbe très aplatie, ne pas penser à certains possibles, qui seraient, sous les pas, les plus traîtres des fondrières, même si, dans l'esprit, il semble inoffensifs. Tant que les rails de la voie ferrée demeurent parallèles, je ne tournerai pas la tête, je ne me détournerai pas de mon obsessionnelle remontée vers la vieille ville, je ne dévierai pas, il n'y a pas à dévier, les rails, entre eux, sont parallèles, et moi je me déplace sur une parallèle à eux, et comme dans ce monde rien n'est jamais parfait, rien n'est jamais simple, un grillage m'en sépare, de sorte qu'un pas de côté, jamais, ne permettrait que je passe d'une parallèle à une autre.

Mais les concepts ne sont jamais si calmes qu'on voudrait le croire, et je crois entendre des bruits assourdissants quand ils s'entrechoquent les uns contre les autres, et nous laissent, pantelants, devant leurs indignations.

Il suffit d'imaginer que mon retour vers la vieille ville n'a pas la certitude d'une parallèle indifférente, qu'il prend la forme d'une asymptote la plus lente possible, une asymptote régulière et calme, qui tendrait, le plus lentement possible, vers le lit froid qui m'attend, parfaitement tiré, draps blancs, et profonds oreillers, ou peut-être, simplement, vers la chambre, l'espace clos qui m'enserrera, quelques heures, ou même, on ne peut pas en être sûr, peut-être cette asymptote ne tend-elle que vers les quelques marches qu'il faut passer, pour pénétrer dans ce monde privé, pire, vers le vestibule éclairé et sonore, aux plafonds très hauts, mais tout de même, ce n'est là, après tout qu'un vestibule, je recule, et je ne peux même pas être sûre que s'ouvrira, sous la poussée de ma main tendue, la porte lourde et grinçante.

Imaginons que la tension soit à son point le plus extrême et que, néanmoins, ce chemin ne soit qu'une lente asymptote.

Une très lente asymptote. Ce chemin ne serait donc qu'une très lente asymptote. Alors il se pourrait que pour les siècles des siècles, à cet endroit précis du monde, mes doigts se tendent jusqu'à presque effleurer la lourde porte, presque, et que jamais ils ne parviennent à plus que l'effleurer ? Il est de cauchemars auxquels il vaut mieux ne pas penser. Même si leur ombre plane.

Je ne me contenterai pas de ce minuscule ∞, entre la pulpe de mes doigts et la lourde porte de bois.

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