Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 18 mars 2011

L'∞, 67

Il y aura bien dans tout cela un petit peu d'∞. Une pincée, saupoudrée, d'∞ pour noyer notre oubli. Je me moque de tourner en rond dans un ruban de Mœbius, je me moque de perdre les pas des uns, la patience des autres, et les attentes des derniers.

Au fond, je ne demande pas grand chose.

L'∞ de deux parallèles peuvent me suffire. Penser qu'elles s'étirent, qu'elles se suivent, que dans l'espace, elles chemineront de concert, sans jamais se heurter, sans jamais se séparer, cela peut me suffire. Je ne demande rien que deux parallèles parfaites et désabusées. Les rêveries mathématiques parfois me suffisent dans les heures longues des voyages, quand le crépuscule n'en finit pas de ne pas finir (mais ce n'est pas cela, l'∞), ou quand la vitre désabusée refuse que mon regard pénètre les ténèbres du monde (je ne sais pas pourquoi, je n'ai jamais réussi à voir, ce n'est pas comme pendant la messe, où pendant l'offertorium, il fallait baisser la tête, et moi je voulais savoir, il fallait tenir la tête inclinée, courbée devant la divinité, et moi je voulais voir et je n'ai rien vu, justement, il n'y avait rien, et cela n'en finit pas de me décevoir…

J'en ressens encore les vibrations dans l'air du soir.

Après cela, comment ne pas décider de fuir le plus loin possible ? Il n'y avait plus qu'à suivre tes pas, il n'y avait que cela à faire, introibo ad altare dei, tu parles !, il n'y avait plus d'autres possibles, même Dieu était décevant, alors si Dieu est décevant, il n'y a vraiment plus rien qui soit possible, et j'ai préféré ravaler mes larmes de rage, même Dieu était décevant, alors ne parlons pas des hommes, tu veux ?, ne parlons plus de rien, et cheminons en silence, toi et moi, Ulysse, et ne parlons pas non plus de la mère de Stephen, ni de ce que Bloom lui en a dit, parce que cela je ne le supporte pas. Je sais bien que tu voudrais en parler, que tu voudrais comprendre pourquoi je fuis (toi ce n'est pas pareil, tu t'en retournes à Ithaque, et moi je fuis) mais de cela, Ulysse, je n'ai pas l'intention de te parler.

J'ai mis trop longtemps à ravaler mes larmes.

Tu peux comprendre et tu ne peux pas. Tu comprendras mieux si nous n'y mettons pas de mots. J'ai plus confiance, au fond, dans l'implicite. Deux êtres qui peuvent marcher en silence l'un à côté de l'autre ne peuvent pas s'entendre si mal que tu le supposes.

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