Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 17 mars 2011

L'∞, 64

C'est égal, que tu ne m'écoutes pas. Je sais que tu m'entends, de toutes façons. Je sais que tu entends ma voix dans la nuit profonde. Elle est plus fine que toutes les portes derrière lesquelles tu disparais, alors ça n'a aucune importance, Ulysse, crois-moi, je retrouverai le chemin de l'∞, avec ton aide ou sans toi, je me débrouillerai, je débrouillerai l'écheveau du monde, je déferai les nœuds un à un. Ce n'est pas un problème, j'ai les doigts fins

Et je sais que tu m'écoutes. Que tu écoutes le bruit de mes pas, toi aussi, en retour. Exactement comme moi je cherche à percevoir la manière dont tes talons percutent les pavés. Et tu as beau te moquer de moi, de mon sac de voyage trop lourd et inutile, qui m'aurait simplement empêchée d'échapper à la surveillance cyclopéenne, toi qui pars sans rien sur la mer azuréenne, je sais bien que tu écoutes le bruit de mes pas sur les pavés.

J'ai appris toute enfant à marcher pieds nus, sans faire aucun bruit, à ne presque pas laisser de traces sur le monde, à monter les escaliers sans faire aucun bruit, à disparaître dans l'univers de mes rêves sans me faire remarquer de rien ni de personne, il n'y avait que les animaux qui savaient d'instinct où j'étais, mais, à la surveillance des adultes rationnels, il était facile d'échapper, et je n'ai pas l'impression, cependant, de parvenir à échapper le moins du monde à la tienne.

La nuit est tombée maintenant. Mes pas répondent à tes pas dans la vieille ville. La nuit est profonde. Tes pas répondent à mes pas dans l'obscurité scintillante. Je ne te vois pas mais je sais que tu viens de passer dans cette ruelle fine et sinueuse. Nos pas se répondent. Ils se parlent. Ce qui nous évite de nous parler. Et de placer par dessus tout cela des strates de langage que nous ne maîtrisons pas tout à fait.

Tes ruses sont silencieuses, et ce qui dit le plus de toi, ce sont tes pas, et ce qui dit le plus de moi, ce sont mes pas. Je me moque bien, à présent que j'ai compris cela, du regard des autres. Et de leurs demandes bavardes. L'habileté s'entend jusque dans la démarche. Dans une certaine manière de la dérouler dans les méandres. Et mes pas s'accordent parfaitement au rythme de ta marche.

Je me glisse dans ce silence ∞, cela me va.

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