Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 20 mars 2011

L'∞, 71

As-tu, Ulysse, trouvé dans tes errances la consolation due aux voyageurs, celle qui leur annonce la proximité d'un village, celle-là même qui superpose à une strate du monde, vide et hostile, une autre strate d'un monde dont les prédicats annuleront les premiers, et cela, dans cette étrange superposition, laisse en plein désarroi, mais très vite les pas se pressent de suivre les délinéaments chantournés, contournés des rampilles, cheveux emmêlés de la Vierge, qui se mêlent de souvenirs et d'espoirs, c'est étrange, comme les choses les plus pleines d'espoir se mêlent des souvenirs les plus anciens, et s'enchevêtrent, et s'intriquent, de souvenirs presque effacés et d'espoirs si lointains qu'ils en sont presque indistincts, intrigantes, sans qu'on sache comment des lianes végétales et anciennes accrochent leur insistance au milieu des perspectives nouvelles.

L'aubevigne, et le veuillet, et la vigogne et la viorne, nul doute, Ulysse, que tu les as senties, aux soirs d'automne, que tu les as suivies, clematis vitalba, consolation des voyageurs, parce qu'elles annoncent toutes d'une même voix, un village prochain où abriter ta peine et ta fatigue. Nul doute, Ulysse, que tous ces noms et d'autres encore, tu les as prononcés, en approchant de quelque lieu dont le dialecte t'était râpeux ; alors, tu te remémorais, celle, qui de ta mémoire commençait à s'effacer, l'aubevigne qui s'enchevêtrait à l'entrée du lieu le plus saint et le plus reculé de ta mémoire.

Incantation. Nul doute, alors, que ta mémoire devenait incantatoire, et tentait un stratagème ultime pour te ramener, en dépit des dieux et de toutes leurs colères, ils n'étaient pas encore partis de ce monde, ne l'avaient pas encore laissé, vide, à ton point de départ, celui dont tu ne cesses de te rapprocher depuis le moment même où tu viens de le quitter. Lentement, et immobilement ton esprit devient tout entier incantatoire. Nul doute, cela n'est pas possible, que, replié sous la vibration de la souffrance de l'exil, tu repasses en ton esprit presque immobile, la longue liste de toutes ces possibles incantations, autour du même espoir, qu'elles ne parviennent pas tout à fait à saisir.

Il s'agit simplement de cueillir quelques branches de clematis vitalba, dont les déclinaisons délicieuses s'enchevêtraient dans tes rêveries et en tissaient les possibles accessibilité, il suffisait de déplacer une lettre pour passer de l'un à l'autre, aubevigne, fausse vigne, vigne blanche, vignolet, vigogne, on aurait un jeu d'enfant dans les dédales du langage, il te manquait seulement la dernière boucle, celle qui t'aurait permis de revenir et de tout refaire. Viorne, iorne, liarne, le jeu devenait grinçant, tu étais bien incapable d'y mettre un terme, les syllabes béaient comme ton attente, tu joues mal, Ulysse, tout cela ne fonctionnera pas.

Pas plus que moi, tu ne tiens une branche de la Traveller's joy.

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