Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

lundi 1 février 2010

Vanités…, XI


De loin la silhouette noire paraît estompée. Je sais bien que la distance modifie les simulacres que les objets nous envoient ; dans le mouvement qu'ils font pour nous atteindre, ils se déforment dans l'air avant de venir frapper le noir orifice de nos pupilles. La dispersion des atomes ne saurait suffire à tout expliquer, même si la théorie antique me vient à l'esprit. Les traits qui devraient la dessiner sous nos yeux ne précisent pas ses contours. L'éloignement à lui seul ne peut pas tout.

De l'air glacé et transparent, elle s'est protégée en s'entourant, s'enveloppant dans un manteau immense dont les pans battent au rythme de ses pas. L'ourlet est lourd, que le vent glacial parvient à soulever à chacun de ses pas. Son balancement marque les pas, rythme la marche. L'écharpe enroulée autour de son cou traîne presque jusqu'au sol, à la hauteur de ses chevilles, et s'entremêle à ses mouvements.

Elle devrait être quelques traits d'encre de chine sur l'arrière-fond du monde. Un idéogramme tracé d'un geste sûr.

Marche vive et rapide. De là où je suis, je la vois arriver. La perspective est parfaite. Elle esquive les passants, évite un promeneur, négocie entre la mère et l'enfant capricieux la courbe convexe qui la sortira de ce mauvais pas, dévie avant l'impact avec le cycliste, et malgré tout, soudain un peu voûtée, marque une hésitation avant de traverser l'avenue pour venir à ma rencontre.

À ce moment, je remarque la couture effilochée. La dégradation s'insinue dans les tissus, arrache quelques fibres à la doublure du manteau, je suis sûre, en la voyant ainsi, que ses poches sont trouées, qu'elle ne peut jamais rien y mettre. Sur l'épaule, le poids du sac a usé le manteau, jusqu'à la trame. Et quand je lève les yeux sur elle, je sais qu'il faudrait les refermer, pour ne pas remarquer les rides qui se creusent dans son visage, les paupières un peu plus lourdes,l'ovale qui se perd. Il faudrait pouvoir ne rien voir, revenir à cet autrefois.

Quand elle me tend une main nue et glacée, il me semble saisir une statue.


2 commentaires:

  1. La justification des simulacres n'est pas claire. Le plus saisissant est que celle qui vient, qui s'approche, est somme des mouvements d'une vie qui se dégrade, sans que rien ne soit dit de son regard. Plutôt, le regard constant est du côté de celle qui parle, qui voit venir vers elle la statue, ou qui voit de plus en plus précise la statue à (de)venir. Penser au commandeur qui saisit Don Juan? Plusieurs de tes vanités se croisent ici, et pour le poids du sac à l'épaule même une abstraction au voyage

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