Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 12 août 2010

Cahiers d'un autre été, XXIII (répit)

Il y a de la poussière qui s'accumule dans le grenier. Je le sais. Même sans y aller, je le sais. Elle apparaît en transparence dans un puits de lumière qui inonde l'escalier les jours d'été et qui, au plus sombre de l'hiver, l'empêche de se resserrer complètement, de devenir si étroit qu'il pourrait devenir impossible d'atteindre les étages. Ou bien on risquerait d'être piégé une fois en haut, de devoir attendre dans une chambre douillette le retour de la lumiere.

Je ne connais pas exactement toutes les raisons de l'existence de ce dispositif raffiné. Mais il y a des années que je fais des suppositions et que je le surveille. Alors je sais parfaitement qu'il y en a déjà trop. Il y a trop de suppositions et trop de poussière. Elle est encore tombée, presque spectaculairement. Et les suppositions s'accumulent. Même si toutes ces hypothèses pas très solides ne forment qu'une colonnade instable.

Pour toutes ces raisons convergentes, j'y vais très peu. Le moins possible. Je dirais que dans un espace de temps de vingt années, j'ai dû y monter trois fois. Mais je dois surveiller cette accumulation de poussière, de toutes façons je ne peux pas m'en empêcher. Elle forme des ombres chinoises surprenantes sur le verre jaune qui ensoleille l'espace intérieur dès qu'il est traversé par la verticale d'un rayon de soleil. Elle retombe d'on ne sait quel vent soufflant du passé. Je ne sais pas ce qui l'emporte, la soulève, je sais seulement qu'elle se dépose ainsi, constamment. L'accumulation est insensible, son souffle lui-même est insensible, mais à n'en pas douter, il a encore soufflé. Elle s'est encore déposée.

Je n'aime pas monter au grenier. Les boîtes défoncées s'y accumulent, s'y entassent et puis finissent par crever de leur contenu douteux. Ils se déversent alors, dans des cataractes immobiles. Colonnades instables de mes souvenirs. Je crains toujours qu'une photo jaunie sortie tout droit de ma mémoire ne ravive des sanglots et ne vienne affoler ma peur. Et les pas glissent sur ces terrains instables, je redoute les profondeurs des mondes oubliés dont peu à peu nous sommes chassés, allant à reculons dans cette minuscule enclave qu'est le présent, reculant encore, encore un peu, l'enclave se resserre, et puis, dos au mûr, nous glissons dans l'échelle meunière, la chute est brutale, spectaculaire, en arrière, et la nuque si fragile se brise nette.

Parfois, il le faut, mais je n'ai guère envie d'y aller encore. Pas pour le moment. La lumière de la fin de l'après-midi dégringole dans l'escalier, caresse les pas que les pieds nus déposent doucement sur le bois. Il est possible, encore, de se trouver une autre occupation, de se détourner un peu pour suivre la course du soleil. Je ne sais pas pourquoi, je ne demande qu'un tout petit répit. Quelques instants de grâce avant le crépuscule. Trois fois rien.

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