Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 10 février 2011

L'∞, 12

Les quais du métro tracent une cicatrice froide et lisse. Sur eux, les trains déversent leurs flots sans ressac, indifféremment sur un quai pendant que sur un autre, d'autres flots impassibles se forment, acceptent tacitement leur attente impuissante, sur les berges plates des profondeurs. Rien ne se marque encore, et l'air n'est pas traversé de possibles. Aucune vibration. La ville souterraine, de béton et de poussière collante. Avec la régularité d'une pulsation. Rien d'autre que la ville grise. La saleté visqueuse au fil des ans s'est incrustée dans les galets des murs. Galets ronds, éreintés de la pollution : ils en deviennent insolites, sans que la main ne cherche sur eux un appui. Une fine couche cireuse les recouvre, mais on n'en saura pas plus. Quelques numéros minuscules inscrits sur eux au feutre rouge. Ils se recouvrent du souffle sale de la ville.

Pulsation, toujours la même, n'importe où dans le monde, où qu'on soit, n'importe où dans le monde où nos pas et notre exil nous auront portés, un train arrive, dans n'importe quelle gare, n'importe quelle station, ouvre ses portes, déverse son flot de passagers interchangeables, puis, sonnerie sourde, les autres passagers interchangeables se pressent de monter, bousculade lente, et sans conviction, puis les portes se referment, le train s'ébranle, repart, ainsi de suite, tant qu'il est décrété par les autorités. Ensuite, peu à peu, cela aussi est décrété, au soir tombé, la pulsation se calme, lentement, apaisement, dans les heures de la nuit, elle ne repartira qu'au matin, aux premières heures, avant même les premiers rayons de lumière pâle. Suspendue dans l'intervalle de la nuit, elle reprendra. Pulsation urbaine. Dans les interstices de quoi nos vies minuscules se serrent.

Rythme diastole systole de toute ville.

Alors l'élan est de sortir de ces profondeurs étouffées, sans même qu'on sache où on va. Au bout des escalators, tourner les yeux de côté suffit, simplement tourner la tête, la mer dont le nom, à lui seul, est un ∞. Et pourtant improbable, au sortir de ces enfers, la présence d'Ulysse.

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