Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mardi 15 février 2011

L'∞, 23

On croisera l'autoroute, plusieurs fois, peut-être des autoroutes différentes, sur lesquelles des théories de véhicules se succèdent à intervalles imprévisibles, irréguliers,

pendant ce temps, on cherchera sur son siège une position plus tenable, on coincera ses genoux contre le dossier du siège de devant, jusqu'à ce que l'inconfort de l'idée devienne très manifeste,

on recroisera plusieurs autoroutes, plusieurs enchevêtrements de trajectoires possibles dans le monde, on aura l'impression récurrente et trompeuse de l'immobilité des autres, comme si le TGV seul traversait l'espace, alors que nous sommes tous en mouvements, dans toutes les directions, selon tous les axes imaginables, et que la navigation est un vertige,

on collera son front à la vitre et on imaginera la caresse du vent, on voudrait que le souffle sur la vitre dessine un halo et qu'il soit possible d'y glisser quelques rêves de l'enfant qu'on a été, mais les vestiges de ces jeux ne sont plus amusants, on envisagera un instant de caler sa tête dans un coin mais on sentira vite que la posture n'est pas tenable très longtemps, elle non plus, décidément rien ne tient,

il aurait fallu jouer sur des artifices de l'esprit pour imaginer la vitesse des véhicules dans le paysage, leur traversée, leurs itinéraires, plusieurs fois, on se sentira point précis de conscience dans le décor toujours identique qu'on traverse, comme on l'a traversé, et sans doute on y reviendra, dans un sens, dans un autre,

on aura envie, terriblement, de dormir, et rien ni personne n'y pourrait rien faire, et le sommeil ne s'entrouvrira pas, les heurts incandescents des vibrations du train tiendront toute conscience en éveil,

on saura seulement que les autres, réduits par le crépuscule à n'être que des ponctuations lumineuses sur notre rétine, se sentent aussi particuliers et incisifs que nous, et qu'ils ne nous perçoivent, en retour, comme rien de plus qu'un trait lumineux sur le monde, vite disparu de leur champ de vision.

Alors on calera ses rêves sur la vitesse, sa tête contre un accoudoir et on fera de son mieux pour dormir, mais personne ne nous a plongé dans les eaux sombres du Léthé.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire