Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 25 février 2011

L'∞, 37

Je ne savais pas qu'il fût possible de traverser à nouveau cette zone de turbulences, je la croyais inatteignable, refermée à jamais à quelques pas de moi, présente et pourtant absolument inatteignable, zone de turbulence où les souvenirs les plus diversement colorés se bousculent, les uns les autres, et viennent s'entrechoquer, dans un silence si enveloppant qu'il absorbe tous les bruits extérieurs du monde à l'entour. Je percevais encore un instant auparavant les chuchotements des uns, des autres, le cliquetis des doigts sur le clavier de leur ordinateur, les pas et les conversations dans le couloir insignifiant, derrière la porte refermée de la salle, et peut-être, dehors, bien qu'il fût plus lointain, le souffle profond du vent, qui ici ne cessa jamais, et tout cela s'est effacé au moment où je suis entrée dans cet espace très étroit du monde.

Cesse-t-on jamais d'être l'enfant qu'on a été ?

Les souvenirs de ce qu'on a été, autrefois, dans des jours qu'une autre lumière baignait, en réapparaissant ainsi dans la lumière absurde d'un néon vacillant, produisent autour d'eux un étrange nuage de poussière très fine auquel je ne m'attendais pas : rien ne pouvait annoncer la possibilité de sa condensation, qui surprend, chaque fois qu'elle se produit, tant ces phénomènes sont irréguliers. Une nuée impalpable se détache du tableau, glauque et stagnant, et soudainement se répand autour de moi, tout autour de moi, de sorte qu'une poussière très fine entre dans mes yeux et provoquerait, s'ils n'étaient pas aussi secs, quelque chose qui pourrait être une larme.

La poussière de craie, contre la surface très sensible et très transparente de nos yeux provoque parfois quelque chose comme une larme.

À proprement parler, il se pourrait qu'il ne s'agisse pas d'une larme, je n'ai pas très envie, à la vérité, de discuter de cette hypothèse, et je ne vois pas vraiment l'importance qu'elle pourrait revêtir, même si un instant le regard se trouble, et si les paupières se ferment, se rouvrent, même si quelque chose roule le long de ma joue, je ne suis pas sûre, techniquement, qu'il s'agisse d'une larme. Ce peut être simplement l'effet, dans mon regard, de la condensation imprévisible de ce souvenir, à laquelle je ne m'attendais en rien.

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