Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

lundi 7 février 2011

L'∞, 8


La possibilité de l'ailleurs est donc là, au bout des doigts, juste sur le bout des doigts, sur la pulpe sensible du bout des doigts, poudre rouge, du désert, des lointains, même sans y être encore aller, même sans connaître rien de ce lieu, on la porte sur soi, elle s'infiltre dans les empreintes digitales et dessine plus précisément le tracé des lignes qui nous sont absolument particulières, signature de notre présence dans le monde, que le sable rouge du désert vient souligner sur notre être même. Un peu de ce désert impalpable que nous n'avons encore jamais parcouru se pose sur notre être et dessine les tracés de sa singularité la plus précise. Au point que nous devenons surface de ce monde, sur laquelle l'∞ s'écrit. 

Inscription des rêves dans notre imaginaire. La poudre efface de nos yeux en larmes les contours du monde qui soudain se brouille. Les mêmes formules, les mêmes signes, encore muets, pour le moment, se tracent, se répètent de jour en jour dans la lumière trop forte du soleil, ou dans l'obscur déchiré des nuits, ils se redisent, se psalmodient, supplication de la conscience dans les décombres du monde, psaume oublié dans le silence qui revient aux bords de nos lèvres, d'un souffle nous voudrions le redire, et pour le moment cela, encore, est hors de notre portée, il pourrait se faire que nous le retrouvions, que les anciennes incantations,  celles qu'autrefois nous avons mainte et mainte fois répétées, nous reviennent d'un seul trait. Nous savons tous que ce n'est pas impossible, qu'il faut seulement boire toutes les infusions absurdes du langage, boire jusqu'à l'amer la solution invraisemblable, la combinatoire irrésolue des possibles qui s'offrent, dans le déploiement des phrases.

Incantation psalmodiée dans le silence de nos souvenirs.

Qu'ils reviennent. Que les lointains reviennent à nous. Ou qu'on s'en aille. Au loin. Aussi loin qu'il est possible de s'en aller. Alcoolisation des souvenirs. Il y a si longtemps qu'ils attendent, dans l'alambic de la conscience, cette poudre révélatrice, ils se sont si souvent mêlés, entremêlés, altérés, qu'il n'y a plus de prévision raisonnable à leur égard, seulement la possibilité d'une réaction chimique inattendue et féroce. Peut-être ainsi cesseront-ils d'infuser subrepticement dans le monde pour dévorer la surface, la ronger de dorures étranges, l'argent vif coulera comme une larme, dévorera férocement la trame du monde qui par endroits s'en trouvera rongé, à vif, déposera des reflets métalliques sur la surface irrégulière et les signes se donneront à lire dans une soudaine et indéniable évidence.

Le langage est un alambic.

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