Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mardi 15 février 2011

L'∞, 22

Où est Ulysse dans ce dédale ? Il faut ne pas se retourner. Il faut partir sans se retourner, sans plus regarder la mer, ce qui demande une tension extrême de toutes les forces de la volonté, il faut se laisser basculer en arrière, dans les escaliers mécaniques, et se soumettre à leurs grincements, sans, surtout, se retourner. Sans quoi il serait impossible que nos pas nous portent.

Anyone (anonyme).

Ce doit être cela, la force écrasante de la ville immense, celle qu'elle déploie dans les ramifications du métro, dans les embranchements subtiles de tous les cheminements qu'elle rend possibles. Anyone… n'importe qui… N'importe quel Orphée ayant perdu pour la seconde fois son Eurydice, n'importe quelle Eurydice, sur qui Orphée vient de se retourner au moment où elle allait sortir avec lui des Enfers, et qui retourne alors inexorablement dans l'ombre épaisse des Enfers. Anonyme. La seule consolation serait l'oubli, pour eux tous, ce serait la seule consolation possible, dans les grincements incessants de ce monde souterrain et indifférent.

Anyone… anonyme… c'est bien cela qu'il a crié à pleins poumons en filant de l'antre de Polyphème… lui seul a su trouver le stratagème qui permettrait d'en sortir, alors que nous pouvons rien d'autre que de nous laisser happer par le train cyclopéen de 19h28, qui nous déplacera selon le temps et selon l'espace, et nous déversera ailleurs, loin de la possibilité de la mer ulysséenne.

Anyone… anonyme. Personne. Il l'a crié à pleins poumons. Je ne comprends pas comment nous passons sans un soupir, comment nous nous faufilons sur le quai du train de 19h28, ombres fugaces dans le crépuscule qui gagne, avant de disparaître de cette ville. Dans chaque ombre (il est presque impossible de s'en persuader, pourtant il le faudrait) scintille l'incandescence de la conscience. Toute ombre aussi grise soit-elle, la déplace dans les replis de son manteau … et quand deux TGV se croisent à pleine vitesse, sur le tracé de la ligne qui relie entre elles des villes écrasantes, il est difficile (et pourtant il serait plus juste) d'imaginer dans chaque trait lumineux laissé par le train sur le paysage, la possibilité de ces consciences, possibilité démultipliée, de les imaginer derrière chaque phare de voitures sur l'autoroute… anyone… anonyme… personne… consciences aiguës et démultipliées, dispersées dans la nuit, de ce qu'elles sont pendant que les autres disparaissent dans la ligne lumineuse du train, lancé à grande vitesse dans la nuit.

1 commentaire:

  1. Votre écriture à TGV , laisse ses traits lumineux sur les lecteurs . Jusqu'où allez vous nous emmener? :-)
    allerarome

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