Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 13 février 2011

L'∞, 18

Moment hypnotique (d'où il est difficile de revenir)

Ce ne sont pas les bateaux, ils bougent à peine. On ne peut pas bercer à eux notre désespoir quotidien. Les mâts dénudés pointent vers le ciel, mais c'est à croire que le port est désert de tous les marins, on n'entend rien, que la rumeur de la ville et la rumeur de l'eau qui se mêlent (est-ce leur absence qui rend possible la possibilité d'Ulysse ? on ne croise que des ombres, à soi semblables, happées par l'∞, immobiles à son rebord). Indications nues vers le ciel, son bleu pur se voile. Ce pourrait être les flots, mais ils sont à peine perceptibles, et leur violence est absente, qui oblige à mesurer les limites de l'affrontement, on pourrait presque dire la mer étale, il faudrait presque la reconnaître, dans les limites du port, étale, c'est à n'y rien comprendre. Presque rien, du moins rien de spectaculaire, le jour n'était même pas particulièrement pur. Il faut croire que parfois une présence pure enveloppe, qui tient tacitement en respect toute exigence.

Le monde est hypnotique.

Il sera difficile de partir mais pour le moment, l'hypnose est si forte qu'elle impose de demeurer immobile. Partir est une anticipation du train de 19h28, rien de plus. Je ne suis pas la seule, silhouette ainsi immobilisée par la possibilité d'Ulysse. Attendre de le croiser demande de saisir avec la plus fine acuité envisageable toutes les minuscules perceptions de l'ici et maintenant. Nous nous sommes disposés face au loin, face à la mer, comme des pions sur un échiquier dont nous aurions seuls connu la trace. Petite quinconce d'une ouverture (je n'ai pas les termes techniques, mais notre stratégie était minimale dans ce monde hypnotique). Je me suis avancée le plus possible. Au point de ne plus les voir. De seulement les savoir là, derrière moi, leur présence est bienvenue, celle de deux femmes, je crois, et d'un homme, personne ne se connaît, personne ne se parlera, on échangera seulement quelques regards, un sourire.

Parce que nous nous surprenons tous à nous hypnotiser de la possibilité d'Ulysse.

J'ai pensé pour moi-même que la composante hypnotique la plus forte était sur moi cette odeur de sel qui rend toute odeur de toute mer ∞ment particulière. Il n'y a pas deux mers qui déploient la même odeur de sel. Et celle-ci portait la perception de la possibilité d'Ulysse.

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