Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 11 février 2011

L'∞, 15

Quel est le bruit de l'âme quand elle se défroisse ?

La mer a dû le couvrir, certainement. Du moins ne l'ai-je saisi quand il s'est diffusé, dissous dans l'air du soir… Quelque chose, à ce moment là, a distrait mon attention. Peut-être était-ce la tristesse de cet homme, renvoyé dans un asile minuscule du monde au chagrin de son enfance, sur lequel personne ne peut rien.

Il n'y avait aucun moyen humain de résister à sa présence, de se lover dans autre chose que sa présence, de s'envelopper d'autre chose qu'elle, et le bruit de ses vagues absorbait l'âme (elle n'existe pas) toute entière, et plus que l'âme, toutes les fibres palpitantes du corps. Au point que tous les froissements se sont apaisés d'un seul coup. Alors on imagine, comme un crissement, comme un froissement, le papier de soie qu'on plie, qu'on déplie, qu'on déploie, froissement, dans les syllabes de l'âme, quelque chose se lisse enfin, qu'on n'attendait plus, sous la grâce suffisante de la mer, apaisée, apaisante.

Souffle faible, presque rien, rien de plus qu'un clapotement minuscule, et le large à imaginer, le large à atteindre, l'élan vers lui qui suffit à soutenir le rythme diastole systole, à le sortir de la mécanique pure, à lancer les regards vers l'azur, et le vent, rien qu'un souffle, comme une caresse, trouble le regard d'une mèche envolée.

La mer, apaisante et apaisée. Parenthèse ∞e et minuscule qui fut, sur le port immobile, aucun bateau n'entrait, aucun ne sortait, quelques barques de pêches, comme de celle dont on me parla un jour et qui passe parfois dans l'azur maritime de mes souvenirs imaginaires, la barque, et les mouettes, et le grand chien noir qui nageait à côté, des silhouettes que je place, souvenir imaginaire, dans la barque, minuscule sur le bleu de la mer, et de tout cela je n'ai rien vu, et pourtant, de mes souvenirs imaginés, c'est cette mer qui est sorti, et si la possibilité d'Ulysse n'avait pas été là, à mes côtés, je crois que je me serais sentie au fond de la solitude immense. Contrefactuel aussi intense sur le passé que les lumières du crépuscule, reflétées par les flots.

Mais la mer était apaisante et apaisée.

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