Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 12 février 2011

L'∞, 17

Le rebord lisse du monde trace une horizontale. Après quoi la mer ulysséenne.

C'est à n'y rien comprendre. Il faut se représenter en son esprit qu'un instant auparavant, un instant seulement, l'air étouffait, la voix devenait rauque, les idées restaient sèches, et les fenêtres fermées coupaient du monde ; il faudrait pouvoir concevoir, à vrai dire, qu'elles coupaient tout élan, lui imposant le fracas silencieux d'une bordure sèche et nette. On pouvait certes voir le jour décliner, mais la voix retombait dans le silence où elle se déployait comme une tâche de sang noir sur les feuilles désordonnées, les feuilles mal alignées, qui allaient finir froissées dans un sac. La progression était irrégulière des signes sur le papier, la masse à soulever, à déplacer est informe, il peut sembler qu'on s'enfonçait dans des sables mouvants, et il était impossible de passer outre, il paraissait impossible à tout jamais de reprendre son pas, de reprendre la marche dans l'ordre du monde, et voilà soudain qu'un lieu naturel se déploie, à portée de métro. C'est à n'y rien comprendre.

Les pas redeviennent une avancée dans le monde.

La grâce de la mer ulysséenne est une grâce suffisante. On peut abandonner les idées de chute ∞e. Il n'est pas nécessaire de chercher le vertige sur ce rebord un peu usé du monde, de chercher à se pencher jusqu'au point de déséquilibre qui entraînerait au delà de soi. Le rythme diastole systole a cessé d'un coup d'être mécanique : il reprend. Les gestes ont cessé d'un coup d'être mécaniques. Tout aurait pu s'enrayer, par cette seule rupture des enchaînements. Tout aurait pu se perdre dans une arythmie des perceptions, une tachycardie du désespoir jusqu'à rompre. Tout le long du jour tout se passe comme si nous allions jouer tout le long du jour notre rôle dans les minuscules drames du monde social. Déséquilibre crissant de l'acteur à l'avant-scène, petite mécanique pathétique, il ne tiendra pas son rôle jusqu'à la fin, et trébuchera à la première occasion.

L'écart cesse. Nous sommes aux bords du monde. Ce qui se passe est, sur soi, la simple grâce suffisante de la mer ulysséenne. Le cœur reprend. Et l'air salé déploie sa caresse à l'intérieur de l'âme (elle n'existe pas). Pulsation. La vie.

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