Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 24 mars 2011

L'∞, 78

De taille et d'estoc. Le monde est une attaque, l'écriture est ma seule défense. Ses coups sont restés célèbres. De taille et d'estoc. J'hésite à esquiver. Ou à esquisser un pas de côté et passer dans un ailleurs. Ailleurs est tentant mais j'en ignore les règles. Et rien ne dit que ce serait mieux, ailleurs qu'ici, dans ce monde-ci.

Marcher un moment les yeux dans le soleil et le bleu de la mer.

Suivre une ligne, la ligne du port, marge de la ville et de la mer. Rien d'autre que cela. Le monde est une attaque et je cherche bon port. Je ne sais pas si, dans ton histoire, Ulysse, c'est ta ruse et ta métis qui fascinent autant, ou ta certitude d'Ithaque. Parfois, la certitude d'Ithaque est ce que je t'envie le plus profondément. Et la possibilité d'y trouver refuge, d'y abriter tes pensées et tes espoirs, le temps que durera ton errance. Tu te réfugies chaque soir dans la certitude d'Ithaque, infiniment lointaine mais juste là, dans les quelques rides que dessinent, au coin de tes yeux, le sourire que tu esquisses.

Les yeux dans le soleil et dans le bleu de la mer, je ne pense à rien d'autre. Je ne pense qu'au soleil et au bleu de la mer. Je pourrais me croire à Ithaque. Il y a sur mon corps la tiédeur d'un rayon de soleil, et le vent emmêle mes cheveux. Alors, oui, je pourrais croire Ithaque possible. Je pourrais presque avoir la certitude d'Ithaque. Modalités du jugement, qui se pose différemment sur les objets qu'il identifie, sur les affirmations qu'il énonce, et que le bleu de la mer et la chaleur du soleil modifient étrangement.

Pour le moment, je n'ai rien trouvé de bien stable. Tout cela semble du sable, riend'autre que du sable. J'ai seulement croisé la possibilité d'Ulysse, au bord du vieux port, dans le clapotement des vagues et le tintement des mâts, et la possibilité d'Ulysse ne cesse d'affirmer, avec insistance, la certitude qu'elle a d'Ithaque, de revenir inlassablement à la certitude d'Ithaque. On dirait que par un fait exprès, il a choisi de m'en parler à moi, moi dont l'Ithaque recule dans le passé.

Ulysse a placé Ithaque au terme de son voyage. Chaque pas accompli le rapproche d'elle. C'est là son tour de force, sa ruse ultime : ainsi énoncé, le problème se constituant fournit très évidemment, de lui-même, sa solution. Il suffit de chercher Ithaque pour s'en approcher, de procéder pas à pas, et tous les pas rapprochent Ulysse de son lieu naturel, même, north-north-west, ceux qu'il n'aurait pas dû dessiner sur la surface du monde. Mais la surface du monde n'est pas ce qui importe, la surface de la mer le portera, et Ulysse rentre à Ithaque, quel que soit le mouvement qu'il esquisse dans le monde.

Mon Ithaque disparaît dans le gouffre du passé, et chaque seconde où je la cherche m'en éloigne encore davantage.

1 commentaire:

  1. but: découvrir le Pourquoi de ce qui est, découvrir les points d'encrage pour faire levier sur le monde, détruire toute croyance pour reconstruire sur des fondations solides, reniement et destruction de chaque construction de sens déjà établie, relativisation du sens de tout ce qui existe pour ensuite coudre à travers l’épaisseur primordiale du monde ainsi révélée son sens nouveau et absolu. De son effondrement sous son propre poids un monde transfiguré surgira.

    moyens envisagés: distorsion de tous les sens, expériences inverses, essai de vivre tous les points de vue, combat contre chaque vérité, chaque doctrine, chaque foi, chaque dogme, chaque tradition ; cette réponse pourra être une croyance. Les sens et la vision des métamorphoses, des équilibres changeants du monde pour se consoler.

    Le danger est immense. Possibilités d'y succomber. Je vis en dehors du temps, dans un non sens traversé parfois de joies inouïes. Je suis jeune mais vieux à la fois. J’ai vécu milles vies, mais j’ai failli perdre la mienne. Cette tache est immense et je suis seul. Qui me comprendra ?

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