L'ombre d'Ulysse étirée à l'∞ caressait les ondulations calmes du sable, l'heure de son départ étirée à l'∞ caressait les ondulations du jour. Les creux se mêlaient à l'ombre, semblaient se remplir d'elle pour en fait ne rien faire d'autre que la continuer indéfiniment, comme des échos sonores continuent en son, le dupliquent, le renvoient, le relancent, le redisent, mais ce mouvement là était assurément calme et discret, au point que les couleurs du jour, elles-mêmes, un moment éclatantes et aveuglantes, se diluaient, jusqu'à n'être plus qu'un continu étrange et surprenant de nuances radoucies, mêlées, confuses, délavées.
L'ombre d'Ulysse glissa sur moi pendant un court moment quand il reprit en s'éloignant le pas calme de son exil, et sa marche lente et tranquille laissait le temps à toute cette fluide opacité de descendre, le long de ma silhouette, jusqu'à toucher le point exact où se réalisait ma jonction avec le sol, qui par un fait étrange, constant, est aussi le point exact de ma jonction avec mon ombre, celui d'où elle ne se sépare jamais de moi, quelle que soit l'amplitude, que, par la suite, elle choisisse d'affirmer, au delà de la sphère même de mes mouvements, de sorte qu'à un moment très précis, qui aurait pu être le dernier, et qui fut si ténu qu'il demandait une réaction étrangement vive, nos ombres se touchèrent, se continuèrent, l'une dans l'autre, à l'endroit même où la verticalité de mon corps prenait appui sur le sol.
Nos deux ombres alignées traçaient un trait silencieux sur le sol ondoyant.
Il suffisait alors que mon ombre calque son pas sur l'ombre d'Ulysse elle-même, pour empêcher la distance de se creuser, pour retenir cette coïncidence d'elles, pour se dissoudre conjointement dans la pénombre, pour empêcher toute discontinuité entre nous. En sorte que, ce que dans le jour, je n'avais pas su faire, en dépit de toutes mes tentatives réitérées, à quoi je n'avais su trouver que des obstacles accumulés, la nuit le laissa faire de nos ombres, sans leur demander la moindre tension.
La possibilité d'Ulysse, retenue à mon ombre, devenait pour moi-même un possible renouvelé, qui déplaçait les lignes du réel. Jonction inouïe dont on n'avait pas penser rêver un jour, la coïncidence parfaite et instable ne faisait aucun doute, en dépit de sa fragilité, et le temps pour son ombre de disparaître, il fut temps, pour la mienne, de disparaître en elle, dans la nuit enveloppante, et de rejoindre la possibilité d'Ulysse.
vendredi 6 mai 2011
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire