Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 1 mai 2011

L'∞, 133

Les vagues déferlent, déferlantes, et déferlant elles nous rappelèrent à notre condition tremblante. Ombres de nous, projetées, la mer déferlant les soulevait, les soulève, les troublait d'écume et de mouvement, les troublera, les bouscule, les emmêle, nous n'étions rien de plus, donc, que nos ombres troublées, troublantes, tremblées que je reconnaissais pourtant si sûrement, et qui vibraient se soulevaient s'abaissaient, et cela, à tous les temps de tous les modes, tous ceux dont je me souviens, et je croyais que la mer les effacerait, mais à chaque fois néanmoins (regardons ce néant nôtre, n'est-ce pas ?, écoutons-le, comment y verrions-nous, s'il n'y avait les ténèbres, comment entendrions-nous, s'il n'y avait le silence sur quoi tout murmure du monde se détache, que serions-nous sans ce néant rend notre monde plus plein quand il se tient en lui ?).

Les vagues déferlent, déferlantes, déferleront. Le langage pourrait bien s'y user, s'y briser, dans leur clameur, à leur instar se briser. Elles n'arrêteront jamais. Je pourrais y passer tous les modes, tous les temps, employer tous les verbes, les invoquer, les évoquer, je pourrais me déplacer comme je le veux, dans l'expérience de pensée la plus tendue qui soit sur la ligne du temps, et je pourrai continuer de dire, de la même manière, à tous les temps de tous les modes que je connais, dans toutes les langues possibles, leur déferlement, il ne cesse pas.

Au point qu'il en devient nécessaire.

Qu'il n'est d'autre nécessité dans ce monde que les vagues, déferlantes, nécessaires, qui se brisent sur les rochers. Alors la fascination gagne. Il serait possible de rester là, à ne regarder qu'elles, à les regarder tout à fait, vraiment, à ne regarder que cela, déferlement déferlant, parfois le bruit est infernal, parfois il me berce, déferlement, le mot roule entre les lèvres, déferlement, intensément instancié de tout possible marin, tous les possibles, alors je pense à toutes les vagues qui se sont soulevées, au nombre ∞ des vagues qui se sont soulevées, se soulèvent, actuellement pendant que des messages partent dans toutes les directions du monde sur tous les ordinateurs, pendant que des signes se suivent sur tous les écrans, et les vagues, en nombre encore plus ∞, sur les rivages de ce monde, se brisent et se briseront, indifférentes à tout.

Et je me sens un point aussi minuscule de conscience que mon ombre tremblée, au bas du phare.

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