— Incomplétude, déséquilibre, je ne comprends pas où je vais, je sais pas comment y aller, je …
— Regarde où tu mets les pieds ! Fais attention !
— Je me trompe alors ? Qu'est-ce qu'il y a ? Je me trompe, c'est ça ? Je n'arriverai nulle part, jamais, nulle part je ne poserai ma fatigue ni le reste, et toi tu le sais, tu ne le dis pas mais tu le sais, tu as eu en partage toute la connaissance infuse de ce dédale qu'est le monde, de ses méandres, des impasses dans lesquelles je me suis engagée, et moi j'hésite, je me trompe, je vais à contre-temps, à contre-courant, tu le sais, n'est-ce pas ?, je me trompe ou tu le sais ? Tu as …
— Complètement …
— …
— Regarde où tu mets les pieds ! Tes pieds sur le sol ! Mais regarde : impressions de toi dans sol, traces de toi dans le sol qui ne te résiste pas, qui te porte, regarde à tes pieds, impressions de toi, les impressions que tu laisses, traces, que ton corps droit sur le sol mouillé marque, et laisse inscrites, là où sa vie a battu dans ses veines, les traces de ton passage, les marques de ton pas, les traces de toi, tu comprends ? Tu existes !
— Je ne sais pas, je ne sais pas du tout, parfois je ne suis même pas sûre d'exister, je me sens presque rien, un souffle, je sens que je vais passer, trébucher, que je ne suis presque rien, tu vois, j'ai presque le vertige, seulement le vertige, je me sens n'être presque rien, n'être rien, m'effacer …
— Arrête !!
— …
— Arrête. Viens. Marche. Un pas puis l'autre. Ne dis rien. Ne dis rien, avance. Cela seulement, rien d'autre. Un pas puis l'autre. La trace de tes pas sur le sol est une preuve. Une preuve de toi. La même que celle que les médecins autrefois, cherchaient de la vie d'un homme, dans la buée que son souffle dépose sur la surface lisse, froide, indifférente d'un miroir. Viens, suis-moi, laisse ton sillage, dépose-le, viens, un pas puis l'autre, suis-moi. Avance.
— Oui.
— Oui, simplement oui, la dynamique, le passage, c'est éphémère, mais ça fonctionne, j'en suis sûr, simplement oui, on ne peut pas faire autrement, il n'y a pas d'autre solution, un pas puis l'autre, comme ça c'est possible, comme ça tout ce qui est impossible devient possible si on avance d'un pas puis l'autre, c'est ainsi que je suis rentré à Ithaque, une vague puis l'autre, rien que cela, l'obstination d'une vague puis de l'autre, et surtout rien d'autre, ne dis rien, tu vas tout compliquer.
jeudi 12 mai 2011
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Tout le monde est resté en suspens depuis jeudi et ça s'accorde si bien avec ce texte : le hasard n'a pas si mal fait les choses.
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