Le caillou que la main vient de lâcher coule à pic, provoquant ses ondulations mouvantes. Alors, sous l'effet inverse de ce mouvement, les questions ayant infusé, diffusé, ont amorcé leur lente remontée vers la surface de la conscience, comme des bulles d'air trop longtemps prisonnières de la matière immobile et pesante.
À quoi sert l'enfance dès lors que nous avons abordé sur les rivages secs de l'âge adulte ? À quoi sert-il de s'en souvenir, et vers quoi nous mène-t-elle alors même que nous ne pouvons qu'en évoquer les jours, dans le silence de nos nuits, ou quand nous poussons une porte dont le bois a gonflé sous le coup d'un hiver trop long ? Je ne comprends pas. Je suis face à la vie comme à un mystère insondable et indéchiffré de moi, et déjà, des yeux se tournent vers moi, des voix appellent des réponses, et, de moi, les attendent, alors que je ne porte que des questions irrésolues. Mon moi n'est presque rien qu'une attente creuse et esquissée, dont le mouvement qui le dessinera est en instance.
Je n'ai pas de réponses, et quand j'écoute le bruit de ma conscience, saturée de phrases et de mots, et de syntagmes, et de structures, recouverte de modes et de temps, et de conditionnels et d'optatifs, absorbée autrefois dans les déclinaisons, et les irrégularités fascinantes des langues, dont elle conserve des souvenirs fascinés, riches de possibles, certes, il est parfois tellement ténu que je pourrais la croire désespérément silencieuse, sous ce couvert de langage.
Notre désespoir avance donc à couvert, mais je n'ai pas de réponses.
À quoi servent les rêves dans les désillusions du réel ? Nous voilà, pâles décidément, presque translucides, usés déjà, et cela ne fait que commencer, sur les berges du réel, rendus à nous-mêmes, et si la possibilité d'Ulysse ne cheminait pas dans nos consciences, à quoi nous serviraient les rêves, sinon de regrets, et de remords et de scrupules, et de chagrins ? À quoi nous servirait le langage, si nous ne pouvions déjouer les pièges du monde actuel ?
lundi 9 mai 2011
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