Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 9 octobre 2009

Abstraction au voyage, VIII


Lundi 2 novembre 2009, 05h47. La gare (de Lyon, décidément !, vous avez le souci de l’anecdotique…) sera traversée de vents-coulis qui se couleront le long de mon échine et contre lesquels ni mon manteau ni mon écharpe ne pourront rien, ils s’insinueront juste au creux du cou, là où il reste encore un peu de la chaleur de la nuit, y couleront, … la gare, … traversée des pas des voyageurs, identiquement rapides et toujours endormis, tous hagards, soumis au même rythme,  même cadence, un balancement, de l'arrachement au sommeil, des rêves effacés qui furent leurs, ô combien, avant les renoncements, sans fixer leurs regards ternes, ils enlèveront leurs sacs  — personne depuis longtemps ne tient  leur main agrippée dérisoirement à des poignées de sac.

Je monterai dans la nuit le marche-pieds de ce voyage, non, il s’agit bien de voyage, de ce mouvement pendulaire… il s’agit bien de voyage… quelle dérision… oscillation pendulaire… aller… retour… annulation … reprise… effacement… recommencement… entre Paris et Aix (décidément, vous y tenez). De quel voyage dérisoire parlons-nous, au juste ? Celui qui ramène d’un point B au point A de sorte que nous ne savons plus ce que nous fuyons ni vers quoi nous allons, ni seulement dans quel sens nous parcourons ce segment d'espace ? Tout repos n’est que provisoire, toute halte est fortuite, rien ne nous retiendra jamais. 

L'abstraction au voyage n'est pas toujours possible.

Pauvres de nous…, la fuite ne sera donc jamais assez lointaine, assez pure, pour ne pas nous ramener au point exact de notre départ. Après tous ces efforts…

Nous présentons le billet aller-retour, mais dans quel sens se fait l’oscillation ? De A à B ? De B à A ? Je ne suis pas pour l’anecdotique, vous comprenez ? L’oscillation se répétera. Éternel aller-retour qu’il faut présenter au contrôleur : à moitié prix, si nous sommes condamnés à (l’éternel) retour…

Pour les siècles des siècles, retentiront 

les claquements sonneries éclats de voix éclats les sonneries les annonces café thé petit déjeuner les claquements de rires toux excusez-moi les appels qui claquent à mes oreilles écartent toute docilité aux rêves

(et sans elle, il n’est pas la moindre abstraction au voyage)

Les mouvements du train nous rappellent sans répit que nous sommes enfermés, tous, dans un mouvement pendulaire sans pitié, sauf ceux, ceux-là je les aime tant, qui partent les yeux pleins de rêves, ils iront vers le port et prendront un bateau, n’importe lequel, et reviendront, beaucoup plus tard, et sur eux, le vent de la mer et du désert aura tout effacé…

Nous continuons de nous débattre. Englués. L'abstraction au voyage n'est pas toujours possible.

3 commentaires:

  1. Comment s'extraire d'un voyage immuable tant tu parais (op)pressée par des allers-retours incessants ? On pourrait croire que ça soit facile aux premier abords ; que la multiplicité du déplacement et sa vitesse précipitent l'abstraction, mais il n'en est rien.

    L'immuable rengaine installée par les voyageurs aux visages tristes, par le marche-pieds souillé, par les mouvements toujours identiques renvoient vers la lassitude, vers le réel et pas vers le sublime que l'abstraction pourrait t'emmener.

    Qu'importe, il est toujours bon de la rêver.

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  2. Et cependant, par un curieux effet de contre-balancement, écrire ces incessants mouvements, cette oppression, dire leur absurdité, les constitue comme quelque chose qui a du sens…

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  3. écrire à toujours du sens même pour ce qui n'en a pas. Enfin, à mon sens. :)

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