Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 25 septembre 2009

Abstraction au voyage, V



L'abstraction comme absence — s'abstraire, s'extirper et ainsi peut-être il deviendrait possible de se mettre à l'abri, au creux de sa conscience, au creux de ce monde silencieux dans lequel lentement parfois passe un rêve,  et son ombre immense se projettera dans mes yeux, sous mes paupières fermées, pendant que je ne regarderai pas le monde qui, dehors, au-delà, sombre dans la nuit, sans que rien ne parvienne du souffle du crépuscule.

L'abstraction comme ligne très concrète de défense 

(le vrai problème philosophique, ce que nous ne comprenons pas, ce qui nous déborde, nous englobe, nous trouble, ce n'est pas le monde maîtrisé de l'abstraction dont nous sommes en mesure de distinguer, à travers les livres de logique dans lesquels rien n'est un bavardage, les mécanismes subtiles par lesquels elle procède, de traquer dans leurs articulations intimes les règles d'instanciation, qui nous ramènent de l'abstraction au monde, ce qui nous perd, c'est la profusion concrète du monde, qui nous égare, nous excède, et dans laquelle nous ne savons pas trouver de point fixe).

Ce cercle d'exclusion ramène à soi, par la force de l'intime, de l'usuel. Le train me déplace d'un endroit à un autre, et pendant tout ce temps, quelques objets organisent autour de moi un espace maîtrisé, dans lequel, si je tends la main, il est possible de ressaisir — et tout cela glisse file dans un paysage inatteignable — ce qui ailleurs resterait une marque du quotidien. Nous sommes lancés dans le monde sur des rails de métal à une vitesse telle qu'elle rend le défilement du monde presque insignifiant. Linéarité de notre mouvement qui déjoue les vallées et les pentes. Il se resserre autour de moi un cercle dont la circonférence minuscule porte une signification qui ne m'échappe pas, et qui n'admet pas le déplacement. Ainsi, nous restons, impassibles, et le déplacement ne nous trouble pas.

Abstraction aux conditions du voyage. 
Inlassablement, en boucle, le même air se répète en boucle sous mon casque. Je ne change rien. L'immobilité est une défense. Quelques minutes de musique, et tout recommence. 

Le paysage en deux dimensions sombre dans la nuit de l'hiver, sur la vitre contre laquelle l'obscurité vient se coller, se fondre, je ne distingue que mon visage
— aux pupilles trouées de ténèbres.

2 commentaires:

  1. Serions-nous le point central de l'univers qui nous pousserait à faire abstraction de la vitesse, du déplacement des objets qui nous entourent ?
    Dans ce texte, le paragraphe entouré de parenthèse se fait à lui seul abstraction textuelle du reste. Un effet de style excluant par son contenu le reste de la réflexion. Contenu qui pourtant demeure l'axe problématique.

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  2. Tu as certainement vu juste, j'y reviendrai. Je ne pense pas que le moi soit le seul point fixe, mais repli dans la mouvement, intime dans l'espace public, immobile dans la course, quand le monde ne nous absorbe plus, ne nous appelle plus. Mouvement de retrait et de repli, en effet, je ne suis pas sûre, pour autant, que ce soit une bonne chose.…

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